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son parti. Ils furent placés dans cet endroit de la Voie Sacrée qu’on appelait la montée du Capitole (clivus Capitolinus). C’était une rampe escarpée, qui commandait le Forum, une sorte de position stratégique qu’il était difficile de forcer. Il n’est pas douteux qu’on n’ait su gré ce jour-là au consul de tout cet appareil de guerre qui maintint la paix publique. On le lui reprocha plus tard, et, vingt ans après, dans les Philippiques, il était encore obligé de s’en défendre. Les jeunes chevaliers, animés par la lutte, ne durent pas s’abstenir de provocations et de menaces : on vient de voir comment ils traitèrent César à sa sortie de la séance. Il est naturel que des conflits se soient souvent élevés entre ces groupes d’opinions contraires. Le bruit en arrivait jusqu’au Sénat, dont la porte devait toujours rester ouverte. Quoique les sénateurs les plus peureux ne se fussent pas hasardés à venir, il restait pourtant « dans cette assemblée de rois » beaucoup de vieillards timides, et, à un moment, la frayeur y fut si forte que le consul, qui parlait, interrompit son discours, pour démontrer qu’on n’avait rien à craindre. Ajoutons que, de temps en temps, on recevait des nouvelles alarmantes des divers quartiers de la ville. On racontait que des tentatives étaient faites pour délivrer les prisonniers, et il fallut que le consul donnât l’ordre de renforcer les postes dans les maisons où ils étaient retenus.

C’est au milieu de ces agitations extérieures que se tint la séance du 5 décembre ; elle ne fut pas moins animée à l’intérieur. Nous avons cette chance de savoir exactement tout ce qui s’y passa. Cicéron ne se trompait pas quand il disait « que le souvenir s’en conserverait toujours dans la mémoire et dans les discours des hommes. » Les historiens nous en ont raconté tous les détails, et il n’y en a pas d’autre qui nous soit aussi parfaitement connue. Si nous voulons nous donner le spectacle d’une séance du Sénat romain, nous n’avons qu’à relire le récit qu’ils nous en ont laissé.


IV

Mais auparavant, quelques explications ne seront pas inutiles. Nous ne pouvons bien comprendre les incidens de cette journée mémorable qu’à la condition de ne pas oublier quel était le rôle particulier du Sénat, la place qu’il tenait dans la constitution et