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choix. En même temps que des citoyens, il parut bon d’enrôler aussi des étrangers ; et précisément, il y avait alors à Rome une députation des Allobroges avec laquelle on pensa qu’on pourrait s’entendre. C’était une nation gauloise, qui habitait entre le Rhône et l’Isère, dans les pays qui ont formé plus tard le Dauphiné et la Savoie. Il y avait quelques années à peine que les Romains les avaient soumis, et, en leur qualité de nouveaux venus, on les exploitait sans miséricorde. Ils étaient accablés d’impôts de toute sorte, impôts pour le logement et le passage des troupes qui allaient en Espagne, impôts pour l’entretien des soldats qu’on levait chez eux, surtout impôts sur le transport des vins, qui étaient la richesse du pays, — la gabelle a été de tout temps la ressource des maîtres et la ruine des sujets. — Mais le plus grand de tous les fléaux de la province, c’était encore l’invasion des trafiquans romains (negociatoras). Ils étaient arrivés, comme toujours, sur les pas des légions et avaient pris tout de suite une grande importance ; Cicéron dit qu’il ne circule pas un écu dans la Gaule qui n’ait passé par leurs mains. Les trafiquans se chargeaient de procurer de l’argent aux cités ruinées par l’impôt, et, comme on ne leur prêtait qu’à de très gros intérêts, ils rendaient ainsi leur ruine plus certaine. Les Allobroges ne cessaient de se plaindre, mais on ne prenait pas la peine de les écouter. La députation qui se trouvait à Rome en ce moment n’avait pas été plus heureuse que les précédentes. Le Sénat était sourd à toutes leurs réclamations, ce qui les avait réduits à un tel désespoir qu’ils disaient qu’il ne leur restait plus qu’à mourir.

On pensa qu’en cet état, ils prêteraient volontiers l’oreille aux propositions qu’on pourrait leur faire. Leur aide n’était pas à dédaigner ; c’était une nation guerrière, qui pouvait surtout fournir à Catilina des cavaliers, c’est-à-dire ce qui manque le plus à une armée improvisée. Un affranchi, Umbrenus, qui avait fait des affaires en Gaule et y connaissait les hommes les plus importans, fut chargé de leur faire des ouvertures. Il les aborda au Forum, probablement pendant qu’ils étaient dans le Grécostase, un portique où se tenaient les ambassadeurs des peuples étrangers auxquels le Sénat donnait audience. Il parut écouter leurs plaintes avec sympathie et leur dit que, s’ils étaient des gens de cœur, il leur fournirait un moyen de se délivrer de leurs misères. Puis, il les amena chez Sempronia, dans