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patriarcat, alterius orbis papa ? Peut-être. En tous cas, il se rendait compte que, pour que ce rêve eût chance de se réaliser dans l’avenir, la première condition était de n’en pas parler dans le présent.

Cent évêques, venus des pays les plus divers, se rendirent à la convocation. Leurs travaux commencèrent par un pèlerinage à Canterbury où Tait, assis dans l’antique chaire de Saint-Augustin, évoqua solennellement, et sans en paraître gêné, le souvenir de la mission donnée par le pape Grégoire au moine dont il se posait comme le successeur[1]. Puis les délibérations s’ouvrirent au palais de Lambeth. Dans le discours d’inauguration, le primat crut nécessaire d’insister sur l’indépendance respective des différens corps représentés dans la réunion, et sur la diversité de leurs formes de gouvernement ; précisant ce qu’était le gouvernement de l’Eglise d’Angleterre tel qu’il avait été établi à la Réforme, il s’exprimait ainsi :


Le souverain du royaume a réclamé pour lui, — et, à mon avis du moins, — a justement réclamé que cette Église nationale ne dépendît d’aucun pouvoir étranger, qu’aucun pouvoir, au dedans ou au dehors, ecclésiastique ou tout autre, ne put aller à l’encontre du grand pouvoir civil que Dieu a établi et sanctionné dès l’origine… Quoi ! direz-vous, le souverain intervenant en une matière ecclésiastique ? Grâces en soient rendues à Dieu, dans ce pays, la théorie est que le Souverain, en sa qualité de représentant du pouvoir civil, est intimement lié à l’Église du Christ établie dans ces royaumes… Je ne dis pas que vous deviez adopter cela en Amérique, mais je dis que telle est la constitution de l’Église d’Angleterre[2].


Ce langage devait en effet sonner étrangement aux oreilles des prélats des Etats-Unis. Cela seul suffisait à démontrer qu’un primat, si empressé à proclamer sa subordination au gouvernement anglais, ne pouvait prétendre à être le patriarche d’Eglises non anglaises, et l’Anglicanisme, ainsi défini, devait renoncer à sortir de cette situation insulaire qui commençait à peser à plusieurs de ses membres, comme étant incompatible avec la notion de la véritable Église. Ce n’était donc qu’un trompe-l’œil que cette parade de Lambeth, par laquelle on cherchait à manifester une sorte de catholicité, rivale de la catholicité romaine.

L’ordre du jour, envoyé à l’avance, avait indiqué divers

  1. Life of Tait, p. 369, 370.
  2. Ibid., p. 371 à 375.