Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Certainement, nos scandales actuels sont déplorables… Mais, cela dit, je dois dire aussi que je suis reconnaissant d’être où je suis. Nous avons une grande œuvre devant nous. Combien grande, nous le saurons seulement après coup, et, en attendant, se désespérer ou se décourager me paraît le comble de l’ingratitude et du manque de foi envers le Dieu tout-puissant qui nous a si merveilleusement aidés et bénis jusqu’ici.


Mais, si fidèle qu’il se montrât à son Eglise, lord Halifax déclarait n’avoir aucun goût pour « l’étroitesse anglicane. » Il blâmait notamment ceux qui affectaient d’appeler l’Eglise catholique romaine d’Angleterre, la « mission italienne. »


Je trouve tout cela faux, disait-il ; je trouve injuste, quand on considère notre propre conduite et notre histoire, d’accuser les adhérens de l’Eglise romaine d’être en état de schisme en Angleterre. Il y a un schisme, avec beaucoup de blâme pour les deux côtés. Mais parler, comme le font nombre d’Anglicans sur ce sujet, est, à mon avis, grandement injuste, en désaccord avec le fait historique, et contraire à l’équité comme au sens commun.


Lake lui répondait :


Je suis entièrement d’accord avec vous, pour détester cette misérable blague d’une mission italienne, comme si les catholiques romains n’étaient pas, sous tous les rapports, une partie aussi véritable et beaucoup plus grande que nous-mêmes, de l’Église du Christ. Considérez leurs meilleurs hommes, leurs missions, etc. ! Pourquoi ne pas nous accorder, pour travailler chacun dans notre ligne distincte[1] ? »


Tel était même le sentiment du président de l’E. C. U. à l’égard de l’Eglise de Rome, qu’en 1885, dans un meeting de son association, préludant à l’œuvre qu’il devait tenter de réaliser dix ans plus tard, il ne craignait pas, au grand scandale des protestans, d’exprimer le vœu de voir « rétablir l’unité visible avec les membres de l’Eglise au dehors, et par-dessus tout avec le grand siège apostolique de l’Occident, qui a tant fait pour garder la vraie foi dans l’Incarnation de N. S., et dans la réalité de ses sacremens vivifians (his live-giving Sacraments)[2]. » Et, l’année suivante, en réponse aux critiques qui lui avaient été adressées, il insistait sur le désir qu’il avait exprimé, d’une union avec l’Eglise romaine, et il disait : « Est-il un seul chrétien instruit qui ne préférerait (comme juge d’appel dans les questions religieuses) Léon XIII au Conseil privé[3] ? »

  1. Memorials of dean Lake, p. 314 à 316.
  2. Annual meeting, à Londres, de l’E. C. U. en 1885.
  3. Annual meeting on 1886. — C’est à la suite de ces discours que le doyen Lake publiait, dans le Church Times du 2 juillet 1886, une lettre où il louait lord Halifax d’avoir surmonté la « fausse timidité » qui empêche trop souvent les Anglicans « de reconnaître ce qu’ils doivent, dans le passé et le présent, à l’Église romaine. » Il énumérait tous les services rendus autrefois et il ajoutait que « nul ne pouvait avoir étudié l’Église romaine, particulièrement au dehors, sans avoir été très frappé de son œuvre. « « Nous pouvons, disait-il, différer sur des points importans ; nous pouvons indiquer le manque de sagesse qui nous semble parfois marquer la conduite de la cour de Rome : nous pouvons, par-dessus tout, croire que notre propre branche de l’Église est plus propre à faire l’œuvre de Dieu en Angleterre que toute autre branche : mais, quant à moi, je ne cacherai jamais ma chaude sympathie pour cette Église à laquelle la Chrétienté a été si redevable, l’Église qui a été, dans le passé, l’Eglise de l’évêque Fisher et de sir Thomas Moore, et, dans le présent, celle de Lacordaire et de Newman. » (Memorials of dean Lake, p. 278, 279.)