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comprendre pourquoi, si vraiment les Ritualistes travaillent, quoique involontairement, pour l’Eglise de Rome, le champion le plus en vue de cette Eglise en ce pays se mettrait tant en peine d’appeler l’attention sur eux[1]. »

Si émus que fussent les leaders du High Church des attaques dirigées contre eux à l’occasion de ces conversions, ils croyaient avoir réponse à ceux qui les leur reprochaient. Ils soutenaient que ce qui les rendait possibles, c’étaient les déformations que les influences protestantes avaient fait subir à l’Anglicanisme, et que la meilleure manière de retenir ces âmes était de leur procurer, dans le sein même de l’Eglise d’Angleterre, les satisfactions de piété et la sécurité doctrinale qu’elles étaient tentées de chercher à Rome[2]. Ils se faisaient honneur du zèle et du succès avec lesquels ils parvenaient à raffermir, autour d’eux, beaucoup de fidélités ébranlées. Quelques-uns des confesseurs ritualistes avaient, sous ce rapport, une sorte de réputation, et passaient pour être particulièrement experts dans le traitement de cette maladie connue qu’on appelait the roman fever : leur méthode n’était pas ordinairement de s’attaquer de front aux doutes soulevés ; ils préféraient user d’une sorte de fin de non recevoir ou de diversion, soit qu’à la suite de Keble et de Pusey, ils soutinssent que, dans la division malheureuse de l’Eglise du Christ, Dieu nous faisait un devoir de le servir dans la communion particulière où il nous a placés, sans prétendre nous ériger en juge de ses mérites ; soit qu’ils poussassent à chercher, dans l’activité du ministère, dans les œuvres d’apostolat et de charité, l’oubli et l’apaisement des troubles de conscience. J’ai déjà eu, d’ailleurs, souvent à noter comment plusieurs d’entre eux, d’esprit moins pénétrant, moins chercheur, moins inquiet que Newman, étaient parvenus, de très bonne foi, à se faire une réponse telle quelle aux objections qui avaient ruiné, chez ce dernier, la foi dans l’Anglicanisme, ou tout au moins à se persuader qu’ils avaient le droit de négliger ces objections. En dépit de la « suspension » momentanée que les accidens malheureux du XVIe siècle avaient produite dans les rapports de leur Eglise avec le siège romain, ils demeuraient sincèrement convaincus qu’ils n’en continuaient pas moins à faire partie de l’Eglise catholique universelle.

  1. Life and Letters of Liddon, p. 180, 181.
  2. C’est la thèse soutenue notamment dans l’écrit d’un Ritualiste fort ardent, le Dr Littledale : Defence of Church principles ; Secessions to Rome.