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y fallait mettre, à Mulhouse, 0 fr. 65 ou 0 fr. 70. En Normandie, à la même date (1860), un bon fileur reçoit de 4 francs à 4 fr. 50 par jour ; une femme ou une jeune fille, dans les tissages, de 1 fr. 65 à 2 fr. 75. Autour de Rouen et dans le pays de Caux, l’industrie est encore, à cette date, disséminée entre 601 fabricans, qui emploient 110 000 ouvriers ruraux : c’est le tissage à bras ; un ourdisseur y gagne de 2 francs à 2 fr. 50 ; une bobineuse (ou un bobineur, enfant ou vieillard) de 0 fr. 25 à 0 fr. 30 ; un tisserand, de 0 fr. 90 à 0 fr. 95. Le tissage mécanique occupe, pour sa part, 32 000 ouvriers ; les femmes et les jeunes filles y gagnent, par jour, de 1 fr. 25 à 2 fr. 50. En somme, les salaires sont ou assez bas dans le tissage mécanique ou très bas dans le tissage à bras ; la seule explication possible des prix qui ne dépassent guère une moyenne de 0 fr. 75 est que ce sont, pour beaucoup, des salaires d’appoint. Il y a, par compensation, de hauts salaires, qui sont, dans la filature, de 3 fr. 70 pour les fileurs, et, dans le tissage, de 3 fr. 50 pour les pareurs.

Mais c’étaient là, en 1860, les sommités de la main-d’œuvre du coton, que l’on citait quand on voulait faire voir la profession en beau. Pour le commun, c’est-à-dire pour la masse, pour la très grande majorité des ouvriers, on peut tenir que la moyenne générale était : hommes, 2 francs ; femmes, 1 fr. 50 ; enfans, 0 fr. 75. A trois cents jours de travail par an, c’eut été un salaire annuel de 600 francs, 450 francs, 225 francs ; mais il y a lieu de déduire pour chômages, arrêts, etc., une cinquantaine de francs ; restaient donc : aux hommes, 550 francs ; 400 francs aux femmes, et 175 aux enfans. Rappelons d’un mol qu’on nous donne maintenant comme assurés des salaires annuels de 975 à 1 050 francs par an pour les hommes (usine A) ; que les fileurs gagnent de 6 fr. 50 à 7 fr. 40 par jour (usine B, région du Nord) de 5 francs à 5 fr. 25 (usine C, région des Vosges), au lieu des 3 fr. 70 auxquels parvenaient difficilement, voilà quarante-cinq ans, les plus habiles de la profession. Comparés aux salaires d’autres industries, les salaires de l’industrie textile (filature et tissage du coton) ne sont sans doute pas de hauts salaires, mais comparés à eux-mêmes, aux mêmes lieux, à différentes époques, par périodes et connue par tranches de tiers ou de quart de siècle, ils ont certainement et très sensiblement haussé, plus et plus vite que ne haussait le prix de la vie, ce qui laisse au total