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loin de là, à Sainte-Marie-aux-Mines, les gains ordinaires étaient : pour les tisserands, communément de 8 à 10 francs, 10 francs et quelques centimes par semaine, et, terme moyen, de 9 francs. Au-dessous de 7 et au-dessus de 12 francs, ce sont des exceptions. Mais, sur ces salaires, le dévidage ou bobinage de la trame était partout aux frais du tisserand, du moins du tisserand à domicile ; ce qui les réduisait de quarante sous par semaine. Une dévideuse de trame, payée par les tisserands, recevait de 4 francs à 4 fr. 50, et une dévideuse de chaîne, payée par les fabricans, de 4 à 6 francs, également par semaine. Un enfant avait depuis trente sous jusqu’à 3 francs par semaine, quelquefois 4 francs, suivant son Age, sa force et la nature de l’ouvrage qu’on lui confiait[1]. Louis Reybaud, reprenant, vingt ans plus tard (1859),, pour l’Académie des sciences morales et politiques, l’enquête du docteur Villermé, estimait que le salaire des fileurs, qui, suivant lui, aurait été en 1840, de 1 fr. 75, 1 fr. 80, et, pour les meilleurs ouvriers, de 2 fr. 25, était, en 1800, pour les bons fileurs, de 3 fr. 50 à 4 francs, et, par exception, 5 francs. En parcourant l’ouvrage de Louis Reybaud, j’ai noté, pour Lille et Roubaix, les prix de : 3 fr. 50 à 4 francs par jour (fileur d’élite), 3 francs (fileur ordinaire) ; 1 fr. 50 à 1 fr. 75 (tissage dans les campagnes), 2 francs à 2 fr. 25 (tissage dans les faubourgs des villes) ; 1 fr. 25 à 1 fr. 50 (femmes), 0 fr. 40 à 0 fr. 75 (enfans) ; soit des salaires annuels, pour les hommes, de 600 à 1 200 francs ; pour les femmes, de 375 à 450, et pour les enfans, de 120 à 225 francs. Dans la région de l’Est, un bon tisseur, gagnant, en 1836, suivant Villermé, 1 fr. 50 par jour, aurait, en 1859, gagné, suivant Louis Reybaud, 2 francs ou 2 fr. 25 : la moyenne des ouvriers « formés » recevait 1 fr. 75. Mais, dans la même région, le salaire variait sensiblement d’un lieu à un autre, non seulement de la ville à la campagne, mais de la montagne à la plaine. Le même fileur mécanique et le même tisserand qui, à Saulxure, gagnaient respectivement 2 fr. 50 et 1 fr. 80, gagnaient, à Mulhouse, 3 fr. 50 et 2 fr. 25 ; mais le prix de la vie variait en proportion, et tandis qu’à Saulxure on pouvait vivre pour 0 fr. 30 ou 0 fr. 35 par jour, il

  1. Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, ouvrage entrepris par ordre et sous les auspices de l’Académie des Sciences morales et politiques, par M. Villermé, Paris, 1840, t. Ier, p. 39, 65. 93, etc.