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point autre en Normandie. Est-il besoin de faire observer qu’elle s’est améliorée depuis le commencement du siècle ? Le progrès, dans l’espèce, a une mesure certaine ; c’est l’échelle des salaires, qu’il est aisé de comparer, d’autrefois à aujourd’hui, par suite, justement, de cette enquête perpétuelle ouverte dès 1801 et continuée sans interruption à travers cent ans. De ces comparaisons, dont le moindre tort est d’embrouiller les choses en entassant les chiffres, nous ne voudrions point abuser. Mais il est nécessaire de relever trois points et de marquer trois étapes. En 1801, dans une filature du Nord, d’après le rapport du préfet Dieudonné, les ouvriers se divisaient en deux classes : la première travaillait aux pièces. C’étaient des hommes faits, intelligens et laborieux, pouvant gagner par jour de 1 fr. 50 à 2 fr. 50 et même 3 francs ; quelquefois des enfans de douze à seize ans, gagnant de 0 fr. 90 à 1 fr. 10. Dans la seconde catégorie figuraient des hommes, des femmes et des enfans, moins capables, travaillant à la journée ; les salaires sont alors pour les hommes de 1 fr. 10 à 1 fr. 30, pour les enfans, de l’un et l’autre sexe, très souvent au-dessous de douze ans, de 0 fr. 30 à 0 fr. 75[1]. En 1835, le Conseil de prud’hommes de Lille fournissait à M. Villermé des renseignemens d’où il résulte que, dans les filatures de coton de la région du Nord, les hommes gagnaient de 2 fr. 50 à 3 francs ; les femmes, première classe, de 1 franc à I fr. 75, deuxième classe, de 0 fr. 75 à 1 fr. 25 ; les enfans, de 0 fr. 50 à 0 fr. 60. Dans la région de l’Est (fabrique de Mulhouse), les salaires étaient, en cette même année 1835, pour les fileurs et fileuses proprement dits, de 2 fr. à 3 francs ; pour les rattacheurs (enfans des deux sexes,) de 0 fr. 50 à 1 franc ; pour les bobineurs, de 0 fr. 35 ; pour les débourreurs, de 1 fr. 50 à 1 fr. 75 ; pour les ouvriers employés au battage, de 1 fr. 25 ; pour les soigneuses de cardes, les dévideuses jet femmes à la journée, de 0 fr. 75 à 1 fr. 10 ; pour les manœuvres et journaliers, aux environs d’un franc. Au tissage mécanique, les pareurs gagnaient de 2 fr. 50 à 3 francs ; les tisserands des deux sexes, de 1 fr. 50 à 1 fr. 75, contre 1 fr. 50 ou 2 fr. 50 aux tisserands du tissage à la main ; les enfans et les femmes employés aux préparations du fil touchaient de 0 fr. 50 à 0 fr. 70, les contre-maîtres, les ourdisseuses et les teinturiers, 2 francs. Non

  1. Rapport de M. A Dieudonné. Voyez le livre de M. Jules Houdey, p. 22.