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comme on dit, dans le Nord, le dîner. On se repose le dimanche. Ou, si l’on ne se repose pas, on se divertit, soit en famille, soit au cabaret, soit à toutes sortes de distractions qui abondent en ce pays de Flandre ; mais, le lundi, « la reprise du travail se fait sans à-coups ni difficultés : » il n’est constaté que très peu d’absences.

En ce qui concerne les salaires, les renseignemens qui nous viennent de l’usine A manquent de précision ou de détail. Nous savons seulement qu’en 1904, le salaire moyen était, pour les hommes de peine, de 975 francs, pour les ouvriers de machine, de 1 050 francs par an. Les ouvrières, payées à la tâche, gagnaient de 15 à 22 francs par semaine ; la moyenne oscillait entre 18 et 19 francs. En outre, — et c’est là une particularité qui mérite d’être signalée, — « afin de bien montrer que l’intérêt du patron et celui de l’ouvrier sont solidaires et identiques quant à la production, » il est distribué dans chaque atelier des primes aux ouvrières qui ont « gagné les plus fortes semaines, » si bien que certaines d’entre elles arrivent, avec ces primes, à un salaire moyen de 24 francs environ. Malgré tout, ce qu’on nous apprend des salaires dans l’usine A demeurerait vague, et nous n’aurions que ces fameuses et fâcheuses « moyennes, » si les patrons de cette usine, très pénétrés de leur devoir social, n’avaient eu l’idée, avant la grève de 1903, qui troubla si profondément la ville d’Armentières, de procéder à une enquête en vue de connaître le « salaire de famille, » le plus important et peut-être le plus « réel » à leur avis. Ici encore, nous n’aurons que des moyennes, mais, pour divers motifs, elles nous rapprochent toutefois de la réalité.

Il ressort des recherches faites sur le personnel de l’usine A que le nombre moyen des membres de la famille est de cinq personnes, le père et la mère compris, « gagnant 42 fr. 43 par semaine, soit plus de 2 000 francs par an, car il n’y a de chômage sur la place d’Armentières qu’à l’état d’infime exception : dans une usine qui fonctionne depuis vingt-sept ans, le chômage des hommes n’a pas dépassé trois heures par an. » Mais le tableau est assez instructif pour que nous le reproduisions tel qu’il nous est donné.

De l’usine A, et autour d’elle, vivaient donc, en 1903 ;