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et parallélisés[1], il eut vite conçu l’idée de « laminer » ce ruban imparfait qui sortait de la carde, il eut vite trouvé et construit le « banc d’étirage. » Laminer… Etirer… Je ne sais pourquoi, — ou plutôt, si, je le sais ; c’est le retour des mêmes mots, — l’usine que je visite me rappelle d’autres usines que j’ai visitées. La filature me fait penser à la tréfilerie. Là-bas, assurément, le spectacle avait quelque chose de plus saisissant, on pourrait dire quelque chose de dramatique ou de tragique. Avec quel intérêt, là-bas, l’œil suivait « cette barre de fer qui s’engage, longue d’un mètre peut-être et large de 8 à 10 centimètres, dans la première cannelure du laminoir, et qui bientôt sort de la dernière, longue d’une trentaine, d’une quarantaine de mètres, plus petite que le petit doigt ;… qui se tord en anneaux, se replie, court à terre comme un serpent de feu… » puis qui, refroidie et roidie, donne la machine ou le fil de fer ébauché ! « Mais, le laminoir n’étant pas un instrument assez délicat pour en réduire l’épaisseur au-dessous de 6 à 7 millimètres de diamètre, si l’on veut faire de la « machine » un fil fin, on l’« étire » à travers des filières, c’est-à-dire à travers des plaques d’acier percées de trous. Le fil, enroulé sur une bobine, est aminci à la lime par une de ses extrémités, engagé dans la filière, happé avec une pince, fixé à une autre bobine à laquelle on imprime une rotation et sur laquelle il vient s’enrouler au fur et à mesure que la première se déroule. Ainsi, à froid, — en suivant la filière, — et après un grand nombre de passages par des trous de plus en plus étroits, la « machine » devient le fil fin, et le câble un fil télégraphique, qui va courir des kilomètres au bord des routes. » Ainsi encore, et tout de même, en est-il du « ruban » comme de la « machine. » La carde, comme le laminoir, n’est pas un instrument assez délicat pour produire le fil fin, et, comme la « machine » passe par la filière, il faut que le « ruban » passe par le « banc d’étirage. » C’est le même procédé, la même marche ; ce sont les mêmes mots ; et pourtant, lorsqu’il s’agit du coton, ces mots d’ « étirage » et de « laminage » ne sonnent-ils pas étrangement ? Il semble que les puissans outils à briser les rébellions de la matière dure n’aient rien à faire avec cette matière molle, inconsistante, et docile. Mais, sans eux ou sans des outils aussi puissans qui s’en rapprochent assez pour que leur

  1. Delessart, la Filature de coton par les machines modernes. Paris, 1900.