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personnes ; et, aux environs de 500, il est certain que l’on touche à la grande industrie. C’est donc là, aux environs et le plus près possible de 500 ouvriers, afin de ne pas nous écarter du champ ordinaire de nos observations, que nous irons chercher les matériaux de cette étude.

Pour la filature du coton, nous avons une bonne fortune qui ne nous est échue que trop rarement ailleurs : on sait avec précision en quel lieu et à quel moment est apparu chez nous le type de la manufacture moderne, caractérisé par la machine à vapeur. « En 1818, la première machine à vapeur, que l’on appelait alors pompe à feu, ayant pour destination la mise en mouvement d’une filature à Lille, fut commandée en Angleterre par M. Auguste Mille. M. Pierre Boyer fut envoyé en France par ses patrons pour monter cette machine (ce genre d’opérations prenait alors plus d’une année). En 1820, ce fut aussi M. Boyer qui monta une machine à vapeur dans la fabrique de cardes de M. Scrive-Labbe ; puis, ayant reçu des encouragemens et des commandes, il vint s’installer définitivement à Lille, où il fonda un atelier de construction pour son propre compte[1]. »

Auparavant, avant 1818, le Nord ne manquait point de filatures, puisqu’en 1817, on comptait, dans Lille même ou dans ses alentours immédiats, 86 établissemens où l’on travaillait le coton, mais il n’y avait alors d’autre moteur que le moteur animal, c’est-à-dire des chevaux attelés, des manèges ; et souvent le moteur humain, l’ouvrier « attelé, » dans toute la rigueur du terme, à la besogne, non seulement pour conduire, mais pour produire la force. Ainsi et pareillement, on filait le coton avant le Mull Jenny, mais on se servait du grand rouet. D’âge en âge, l’histoire ancienne du coton, si l’on voulait en croire certains auteurs, remonterait, bien loin par-delà les Croisades, jusqu’aux Indiens selon Pline et Hérodote, ou jusqu’à la Bible. Toutefois, durant les seize premiers siècles de 1ère chrétienne, c’est une histoire orientale. Par-ci par-là, il vient en Occident, comme un objet curieux et précieux, quelques livres de coton : quatre livres, vers 1280, « pour rembourrer le matelas du roi, » ou quelques aunes

  1. Renseignemens pour servir à l’enquête, ouverte le 12 décembre 1853, au Ministère du Commerce, fournis par M. Henri Loyer, Archives du Comité des filateurs de coton, Lille. 1873 ; document cité par M. Jules Houdoy, la Filature de coton dans le Nord de la France, Histoire, monographies, conditions du travail (thèse pour le doctorat en droit), 1903. Arthur Rousseau.