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houiller du Nord et du Pas-de-Calais, est pour l’industrie textile, — lin, coton, laine ou jute, — une terre d’élection. D’autre part, l’abondance et le bon marché de la main-d’œuvre ; une sorte d’aptitude transmise ou d’adaptation héréditaire qui résulte d’un long exercice de la profession, à travers les siècles, par des générations d’ancêtres fileurs ou tisserands ; l’habitude d’une vie simple, à besoins élémentaires, qui maintient des salaires médiocres, suffisant pour ce qu’on en veut tirer, dans ces vallées ou sur ces pentes de montagne : voilà ce qui explique la fortune cotonnière des Vosges. Enfin, des communications faciles, des débouchés assurés, la mer toute voisine, cette grande « charrieuse » qui transporte, importe et exporte, comme par un flux et reflux économique du même rythme que son flux et reflux physique ; plus encore peut-être, jusqu’à l’humidité de l’air, si favorable à ce genre de travail (ainsi que le prouve, en Angleterre, le rang prééminent du Lancashire), et la fécondité généreuse du sol, et toute la richesse ambiante, et toutes les qualités de la race, cet esprit à la fois subtil et hardi, d’entreprise et de calcul, remarquablement doué pour un commerce que ses conditions mêmes obligent à se mêler de « spéculation : » voilà le secret, qui n’a rien de secret, voilà le motif de l’avance prise par la Normandie sur des provinces moins bien douées ou simplement moins bien situées. La Flandre a Anzin, la Normandie a le Havre, les Vosges sont déjà, — ou sont encore, — l’Alsace. Aussi, des 150 000 personnes que nourrit en France l’industrie du coton, les trois quarts travaillent-elles dans les fabriques des trois départemens du Nord, des Vosges et de la Seine-Inférieure. Quatre autres départemens, quatre autres seulement et en tout, figurent ensuite sur la liste, à titre subsidiaire ou succédané : ce sont la Seine et la Sarthe (fabriques d’ouate), la Somme (fabriques de mèches) et la Loire (fabriques de cotonnades, calicots, coutils). En 1896, — date du dernier recensement publié[1], — il existait, dans l’industrie du coton, 45 établissemens occupant chacun plus de 500 personnes. Sept faisaient la filature, effilochage, peignage, cardage, etc., 38 étaient des tissages. C’est la très grande industrie textile. A côté d’eux, 162 établissemens pour la filature, 317 pour le tissage, occupaient de 50 à 500

  1. Résultats statistiques du recensement des industries et professions (dénombrement général de la population du 29 mars 1896), t. IV, Résultats généraux, p. XXXV et XXXVI.