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Quoi qu’il en soit, nous attendons : que pouvons-nous faire de plus ?

Si le gouvernement allemand affecte de se taire, ses journaux parlent beaucoup ; mais ils hésitent entre deux combinaisons. La première, celle qui semble avoir leurs préférences, consiste à européaniser la question marocaine en la soumettant à une conférence. Ils abusent singulièrement de ce qu’il y a eu une conférence à Madrid, en 1880, à propos d’une question spéciale qui intéressait toutes les puissances, et ils en concluent que désormais toutes les questions relatives au Maroc doivent être soumises à la même procédure. Il n’y a aucune raison à cela, et, en tout cas, il est un peu tard, pour le dire à un moment où, sinon toutes, au moins la plupart des puissances qui étaient représentées à la conférence de Madrid, se sont entendues entre elles suivant un autre mode. Rien ne les obligeait de s’en tenir à une règle unique, et il n’avait été nullement convenu, en 1880, qu’on le ferait. Nous ne croyons, d’ailleurs, ni à l’utilité, ni à la possibilité d’y revenir aujourd’hui ; à l’utilité, parce que les autres nations accepteraient volontiers ce sur quoi l’Allemagne et la France se seraient mises directement d’accord, si leurs propres arrangemens n’en étaient point altérés ; à la possibilité, parce que certaines au moins des puissances qui ont déjà contracté des accords particuliers refuseraient d’aller à une conférence, quand bien même nous consentirions à nous y rendre nous-mêmes. C’est pourquoi ce projet de conférence nous a paru, dès le premier moment, n’avoir aucune chance de succès, et cette impression a été confirmée par celles qui se sont déjà manifestées ailleurs. Le gouvernement allemand n’ignore pas qu’on ne veut à peu près nulle part d’une conférence internationale, et cela nous dispense de pousser plus loin nos réflexions à ce sujet. La seconde combinaison de l’Allemagne est à l’état de préparation : elle consiste à envoyer une mission à Fez pour faire concurrence et peut-être échec à la nôtre. M. le comte de Tattenbach, ministre en Portugal, mais qui a été autrefois au Maroc et qui est un spécialiste dans les questions marocaines, est revenu de Lisbonne à Tanger où il s’occupe activement à former la mission dont la direction lui est confiée. M. de Tattenbach est, parait-il, un homme plein d’intelligence et de résolution ; mais, quelles que soient ses qualités, nous persistons à croire qu’il n’obtiendra qu’un succès restreint et relatif, en mettant pour lui les choses au mieux. Et qui sait si d’autres puissances que l’Allemagne ne suivront pas son exemple et n’enverront pas, elles aussi, des missions à Fez ? M. de Tattenbach irait là contrarier la nôtre ; d’autres iraient contrarier la sienne. Peut-être l’Allemagne