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L’impression d’une extrême faiblesse est un second symptôme très général du mal des tunnels. M. U. Mosso, en quittant la galerie de Ronco, ne put remonter l’escalier sans s’arrêter à quatre reprises : il se sentait abattu, sans force. Il faut noter que l’impotence et la lassitude sont particulièrement localisées aux membres inférieurs. Tandis que les mains et les bras sont parfaitement en état d’agir, les jambes semblent incapables de soutenir le corps.


IV

Les études des physiologistes ont mis en évidence ce fait remarquable que le mal des tunnels est simplement un empoisonnement par l’oxyde de carbone diversement compliqué par des facteurs accessoires tels que la chaleur. Dans l’air du tunnel de Ronco analysé par Benedicenti, on trouvait après le passage d’un train une proportion d’oxyde de carbone d’environ 6 pour 1 000 : trois heures après que le mouvement des convois avait cessé, il n’y en avait plus que 1 pour 1 000 : dans les parties les plus élevées, près de la voûte, la quantité du gaz toxique était de 3 millièmes. A mesure que l’on se rapproche du foyer de la locomotive, la proportion s’accroît : elle est, par exemple, de 8 millièmes sur la plate-forme de la machine, de 18 à 36 millièmes dans la fumée qui s’en échappe. On voit distinctement les accidens et le péril s’aggraver avec le voisinage du foyer. C’est la fumée de la locomotive qui recèle l’agent toxique. Il n’y a pas de doute que celui-ci soit l’oxyde de carbone. Et cela pour deux raisons.

La première c’est que si l’on analyse cette fumée on n’y trouve que des gaz dont l’innocuité ou le mode d’action sont, par ailleurs, parfaitement connus, et dont les effets propres ne peuvent être confondus avec les symptômes observés dans les galeries souterraines. La seconde c’est que, inversement, l’empoisonnement par l’oxyde de carbone à doses comparables à celles qui existent dans la fumée de locomotive réalise précisément le tableau offert par les malades des tunnels.

M. U. Mosso s’en est assuré en reproduisant sur l’homme dans le. Laboratoire de physiologie de l’Université de Turin des expériences d’intoxication par l’oxyde de carbone. Des collaborateurs dévoués se soumirent bénévolement à ces périlleuses épreuves. C’est avec des mélanges contenant entre 3 et 4 millièmes du gaz toxique et respires pendant une heure, que la nocivité commence à se manifester. Elle se traduit par la sensation du mal de tête ; celle-ci est