Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

danger plus ou moins grave. On est donc autorisé à juger sévèrement la négligence du constructeur qui n’a rien prévu pour le renouvellement de l’air. C’était, de sa part, un faux calcul de compter sur la chasse d’air produite par le passage des convois. A la vérité, le train pousse la colonne gazeuse viciée qui lui fait front et aspire celle plus ou moins pure qui lui fait suite ; mais ce jeu de seringue ne suffit pas à purger complètement le souterrain de l’atmosphère malsaine qu’il contenait. Indépendamment des remous qui se produisent fatalement et qui s’opposent, en partie, à la pénétration de l’atmosphère pure de l’arrière, il faut tenir compte de la quantité d’air qui passe à chaque instant dans le foyer et s’y charge des produits d’une combustion de plus en plus imparfaite. Il y a des circonstances qui aggravent cette viciation : c’est, par exemple, la lenteur de la marche des convois, l’usage de deux machines, l’une à l’avant, l’autre à l’arrière, le patinage et l’essoufflement des locomotives dans la montée des tunnels à pente marquée. Il y a, en revanche, des précautions qui en atténuent ou en écartent les inconvéniens : c’est d’abord l’existence, dans un grand nombre de tunnels, de cheminées d’appel, toujours trop rares ; d’autres fois, c’est l’installation de ventilateurs qui dissipent les tourbillons de fumée et dessèchent l’air ; d’autres fois encore, c’est, comme au Simplon, la création d’une galerie parallèle ; ou enfin, le procédé préconisé par MM. A. Mosso, Piutti et les membres de la commission italienne, et qui consiste dans l’emploi de l’oxygène comprimé pour l’alimentation des chaudières dans les parties dangereuses des galeries.

Les dangers du séjour prolongé dans les grands tunnels en exploitation, ou même les inconvéniens d’une simple traversée opérée sans précaution, ne sont point imaginaires. Les accidens sont si réels, ils se sont multipliés à tel point sur certaines lignes que les gouvernemens ont dû s’en préoccuper. Ils ont chargé des commissions scientifiques, composées surtout de physiologistes, d’en poursuivre l’étude, d’en faire connaître les mécanismes, les causes et les remèdes. Le gouvernement britannique s’est adressé au professeur Haldane d’Oxford. Le gouvernement italien, en 1899, a chargé M. Mosso, le physiologiste bien connu, d’examiner, de concert avec le professeur A. Piutti, les conditions de respirabilité des tunnels du réseau péninsulaire.

Ce sont les résultats de ces enquêtes que nous nous proposons de résumer ici. L’achèvement du souterrain du Simplon, l’accident fatal qui en a marqué l’inauguration et qui a coûté la vie à l’un des ingénieurs donnent à ces questions un intérêt nouveau.