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REVUE SCIENTIFIQUE

LA VIE DANS LES TUNNELS

Il y a tunnels et tunnels, comme il y a fagots et fagots. Il y a les longs et les courts, les géans et les nains. Les petits n’ont pas d’histoire. Les grands en ont une qui est universellement connue. C’est le cas pour les trois grandes percées des Alpes : le tunnel du Mont-Cenis qui atteint une longueur de 12 kilomètres et a exigé onze années de travail, de 1859 à 1870 ; celui du Saint-Gothard qui a quinze kilomètres et dont la construction a duré huit ans ; et le plus récent, celui du Simplon, qui n’a guère moins de vingt kilomètres de développement et a été achevé en sept ans, de 1898 à 1905. Ce sont là des œuvres colossales. Elles offrent un intérêt évident pour l’art de l’ingénieur ; elles ont une portée considérable et aperçue de tous au point de vue économique et commercial. Elles facilitent les relations de peuple à peuple ; elles suppriment les barrières, par lesquelles la nature séparait les nations.

Cette façon de circuler ainsi sous terre, dans des galeries de taupe, au lieu de cheminer à ciel nu, dans la pure atmosphère, pour contraire qu’elle soit au vœu de la nature, n’en a pas plus d’inconvéniens. La grande majorité des voyageurs n’éprouve ni incommodité ni malaise : ils sortent parfaitement indemnes de cette courte épreuve, et précisément parce qu’elle est courte. Mais si l’épreuve se prolonge ou se répète, ce qui est le cas pour les employés des trains et pour les ouvriers de la voie, alors les inconvéniens apparaissent ; la défectuosité du milieu, l’insuffisance de l’atmosphère ambiante produisent leurs effets. Les conditions nouvelles et anormales où l’homme se