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Le Sun répondit le 27 décembre que c’était là une erreur, qu’il n’était pas du tout question de sympathie, et que son premier article ne visait qu’à établir le côté avantageux qu’aurait un tel arrangement pour les deux parties, en leur permettant de réaliser une forte économie. En effet, aux termes d’un tel arrangement, les États-Unis s’engageraient à maintenir une marine égale à celle de l’Allemagne, et tout ce que l’Angleterre aurait à faire désormais serait de maintenir une marine égale aux forces navales combinées de France et de Russie. La combinaison aurait pour résultat la suppression, au point de vue anglais, de l’Allemagne comme facteur maritime, et, par là même, le spectre de l’invasion, dont l’esprit des Anglais est si fortement hanté à l’heure actuelle, se trouverait exorcisé pour jamais. L’arrangement, ajoute le Sun, ne serait impraticable que si les Etats-Unis pouvaient se trouver impliqués un jour dans un duel maritime, soit avec la Grande-Bretagne, soit avec la France, ce qui est tout simplement inconcevable. L’objet réel de crainte pour les Anglais, raisonnant sur des prévisions à longue portée, doit être la coalition hostile de la Russie, de la France et de l’Allemagne, coalition devant laquelle le Japon dut s’incliner après la guerre contre la Chine, et devant laquelle peuvent se trouver un jour l’Angleterre et les États-Unis.

Ainsi parlait le Sun, de New-York, quelques jours après la publication du mémorandum de décembre 1904, et l’on peut encore citer, à titre symptomatique, ce commentaire de M. Archibald S. Hurd, sur l’inutilité, pour les Anglais, du maintien de forces navales en Amérique : « Le sang est plus épais que l’eau, et l’intérêt bien entendu est encore plus fort que le sang. Aucune puissance européenne ne pourrait menacer la Jamaïque sans trouver devant elle les escadres des États-Unis. Dans une dizaine d’années, d’ailleurs, les deux marines anglo-saxonnes auront acquis une telle supériorité sur toutes les autres qu’une sorte quelconque d’alliance défensive aura été sûrement conclue entre les États-Unis et la Grande-Bretagne. »

Qu’aurait donc fait ou voulu faire l’Amirauté en opérant ce vaste mouvement de concentration stratégique des flottes britanniques dans les eaux européennes, et dans celles de ses eaux qui sont le plus rapprochées de la métropole ? L’intention doit paraître assez claire désormais, et la mer du Nord semble un champ clos désigné. Les Allemands ne s’y sont pas trompés, et l’ont