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n’apparaît plus. Il y a cinq ou six ans, comme aujourd’hui, on voulait faire de la flotte britannique un instrument de guerre constamment efficace et constamment prêt ; mais comme on n’avait pas assez de cuirassés et de croiseurs cuirassés neufs à flot, on s’est servi des anciens, et, afin qu’ils pussent être réellement utiles, on a dépensé de grosses sommes pour les moderniser. Et, pendant un certain temps, ils ont rempli honorablement l’office auquel ils étaient destinés. Aujourd’hui, l’Amirauté possède assez de navires neufs ; elle n’a plus besoin des anciens ; qu’ils disparaissent donc ! Et l’on se représente l’énergique amiral sir John Fisher, le premier lord naval, l’éminence grise de lord Selborne, dans son bureau de l’Amirauté, rayant, d’un trait de son impitoyable crayon, et les vieux croiseurs cuirassés de 1887, et le beau Collingwood inutilement rajeuni, et tant d’autres unités regrettées des vieux marins[1].

Il ne serait pas exact d’attribuer à la mesure de radiation la totalité de l’économie de 90 millions de francs dont le budget maritime de 1905-1906 se trouve réduit par comparaison avec le budget précédent. On ne peut évaluer à plus de 40 millions la réduction que procurera la suppression des dépenses de maintien en service, d’entretien et de réparation des bâtimens rayés de la flotte. Les 50 autres millions ont été économisés par une diminution positive d’égale importance dans le montant des crédits à affecter en 1905-1906 aux constructions neuves[2].

  1. « Lord Selborne est un personnage qui a été heureux à tous égards, mais il ne l’a jamais plus été que lorsqu’il a appelé sir John Fisher à l’Amirauté. C’est sir John Fisher qui a suggéré tous ces mémorandums qui ont rendu illustre le nom de lord Selborne, et c’est lui qui a provoqué tout le bouleversement de la politique navale. L’influence de sir John Fisher s’est exercée sous la forme d’une tyrannie très bienfaisante, mais enfin d’une tyrannie, à laquelle on comprend que lord Selborne ait cherché à échapper en se réfugiant dans l’Afrique du Sud. Et maintenant on attend lord Cawdor, que l’on a fait venir du Chemin de fer Great Western pour lui donner la direction des affaires navales, et qui sera, sans doute, un excellent premier lord. » (Discours de M. Gibson Bowles, Chambre des communes, séance du 1 mars 1905.) La parole de M. Gibson Bowles est une des plus acérées de la Chambre des communes.
  2. En 1904-1905, les crédits pour les constructions neuves s’élevaient à £ 11 654 000. Pour 1905-1906 (l’exercice fiscal anglais va du 1er avril au 31 mars), ils ne sont plus que de £ 9 566 000, soit une réduction de £ 2 088 000. Il est vrai que, dans le chiffre de £ 11 654 000 était comprise la somme consacrée à l’achat des deux cuirassés chiliens qui ont reçu les noms de Triumph et Swiftsure. En outre, la destruction de l’escadre de Port-Arthur a décidé l’Amirauté à ajourner la mise en chantier du quatrième croiseur-cuirassé et de quelques-uns des destroyers du programme de 1904-1905. Quant au programme de l’exercice en cours, il ne comporte la mise en chantier que d’un seul cuirassé. Il sera en outre commencé quatre croiseurs cuirassés, dix-huit destroyers et onze sous-marins. La politique adoptée, pour un certain temps du moins, est d’avoir un nombre plus restreint de bâtimens en construction simultanément, mais d’abréger le plus possible la période d’achèvement de chaque unité.