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anciennes et de vivre un peu plus largement. En 1866, il était nommé membre du jury du Salon et, dans l’automne de cette même année, il avait été compris sur la liste des invitations faites par l’Empereur pour un séjour au palais de Compiègne. Flatté de cet honneur, il crut que c’était pour lui l’occasion de faire connaître en haut lieu ses idées sur l’art, sur les musées, sur les rapports de l’administration avec les artistes, etc. Il s’était donc efforcé de réunir et de relier entre elles ses opinions à cet égard et de les condenser en un programme qu’il exposerait de son mieux à son hôte. Il se promettait de lui parler très librement. « Ah ! je lui en dirai de bonnes, en bons termes, dignes, graves et fermes ! » Il avait été écouté avec une patience indifférente qu’il avait prise pour de la sympathie et, dans sa candeur, il se flattait, bien vainement, que cet entretien, auquel il attachait une extrême importance, porterait ses fruits. L’année d’après la réputation toujours croissante du maître le désignait au choix du gouvernement pour le jury de l’Exposition universelle, et ses collègues, qui le tenaient en haute estime, l’appelaient à la présidence de ce jury. Il avait pris à cœur de justifier leurs suffrages en s’appliquant à assurer l’équité des jugemens dans la distribution des récompenses el, oublieux de ses anciens griefs contre Dupré, il s’était employé de son mieux à lui obtenir une première médaille, mais sans pouvoir y parvenir. Malgré la peine qu’il avait prise, malgré le succès des dix-sept tableaux qui constituaient son propre envoi, et d’une centaine d’études qui furent en même temps exposées au Cercle des Arts, sa promotion comme officier de la Légion d’honneur avait un peu tardé. Il demeurait profondément froissé de ce retard et humilié à ce point qu’il songea un moment à écrire à l’Empereur pour protester contre ce qu’il considérait « comme une injustice et un manque d’égards vis-à-vis du jury. » Cette omission incompréhensible avait été d’ailleurs réparée le 7 août 1867.

À côté de cette légère faiblesse de caractère, qu’on est étonné de rencontrer chez une nature aussi élevée, Rousseau a donné, durant toute sa vie, des preuves évidentes de générosité et de droiture. Parlant peu de lui-même, il semblait assez froid au premier abord ; mais, quand on avait gagné sa confiance, il se montrait tel qu’il était, affectueux et très expansif. Millet et sa nombreuse famille ont reçu des témoignages réitérés de son