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Sans croire que le travail soit une condamnation et sans insister sur ses côtés douloureux, il cherche à montrer l’existence du campagnard telle qu’il la voit, avec ses duretés et ses tristesses inévitables, et aussi avec ses légitimes rémunérations. Pour lui, la nature n’est pas uniquement une marâtre : elle a pour l’homme des fleurs et des fruits. Si elle est parfois difficile, l’existence de ceux qui vivent en contact avec elle, n’est pas toujours dépourvue de douceur. Les habitans de nos campagnes ne sont pas forcément rustauds et grossiers, déformés par l’effort et abrutis par la misère ; les femmes n’y sont pas inévitablement vouées à la laideur ou à la malpropreté. Au village, comme ailleurs, le renouveau y succède à l’hiver ; l’enfance et la jeunesse ont leur grâce ; la vieillesse peut avoir sa dignité. Dans les compositions de Jacque, ses travailleurs font bravement leur besogne : robustes et bien découplés, ils plantent, ils bêchent, ils fauchent ou moissonnent, en gens qui savent leur métier. Ses filles de ferme, alertes et accortes, portent, sans broncher, les eaux grasses et la pâtée aux porcs ; les gamins s’ébattent près des chaumières ; et, au seuil de la forêt, bergers et bergères gardent solitairement leurs troupeaux ou se réunissent pour deviser entre eux. C’est dans les acceptions moyennes que s’est maintenu l’artiste et par l’aisance et la souplesse de son talent, il mérite une place à part dans l’histoire du paysage. Il dit nettement ce qu’il veut dire et groupe avec goût ses figures ou ses animaux bien campés, bien dessinés dans la vérité de leurs allures. Autour d’eux, les bois, les champs, les ruisseaux, les cours de ferme, la terre avec ses riantes cultures, ou triste et dépouillée, nous sont présentés sous leur aspect le plus pittoresque. Comme sa façon de comprendre la nature, la peinture de Jacque est saine et facile, franche et robuste, sans rudesse comme sans mièvrerie. Les prix toujours croissans de ses tableaux, grassement empâtés, bien conduits, et d’un même souffle, jusqu’au bout, témoignent de la légitime faveur dont ils jouissent aujourd’hui. Quant au mérite de son œuvre gravé, il est encore supérieur et, en le feuilletant à la Bibliothèque Nationale, qui possède des exemplaires de choix de ses eaux-fortes, notamment de sa grande planche de la Bergerie, on estime à leur valeur la fermeté et la sûreté de son burin, la vie et le charme de ses compositions.

Admis aussi dans la société intime de Rousseau et de Millet, Diaz, un peu plus âgé qu’eux (1809 + 1876), avait le privilège