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Plusieurs défis portés dans ce sens par Pusey n’avaient pas d’abord été relevés[1]. Ce fut seulement en 1868 que la Church Association, consentant à s’avancer un moment sur le terrain doctrinal où elle était provoquée, fit poursuivre le Rev. Bennett[2], à raison de la doctrine qu’il avait exposée, sur la présence réelle, dans une lettre publique à Pusey. Celui-ci, à son grand regret, ne put obtenir d’être impliqué dans la poursuite. Il n’en prit pas moins l’affaire très à cœur et en suivit avec anxiété les longues péripéties. La Cour des Arches, qui ne statua que le 23 juillet 1870, jugea qu’il était loisible, dans l’Eglise d’Angleterre, d’enseigner la présence « objective réelle, actuelle et spirituelle, » et que les assertions de M. Bennett sur le sacrifice eucharistique et sur le culte eucharistique n’outrepassaient pas la liberté résultant des formulaires et du langage des théologiens. Appel fut fait au Conseil privé : l’anxiété de Pusey redoubla. Enfin, le 8 juin 1872, ce tribunal suprême confirma la décision de la Cour des Arches. Pusey triompha. « C’est, en vérité, une grande défaite pour la Church Association, » avait-il déjà écrit, au lendemain de la décision de première instance. Que le Conseil privé, dont on connaissait les sentimens hostiles à tout ce qui semblait catholique, se fût prononcé dans le même sens, n’était-ce pas plus considérable encore ? Pusey se rappelait le temps où, en 1843, pour avoir exposé ces mêmes doctrines dans un sermon, les autorités d’Oxford l’avaient privé, pendant deux ans, du droit de prêcher dans l’Université. Il constatait le terrain gagné depuis lors et s’en félicitait[3]. Et cependant, à y bien regarder, y avait-il bien sujet de triompher ? Pusey n’obtenait, pour cette vérité, primordiale à ses yeux, de la présence réelle, qu’une sorte de tolérance, accordée également à la doctrine contraire, qu’il estimait être la pire des hérésies. Etait-ce de quoi satisfaire des hommes qui se piquaient de restaurer l’autorité du dogme ? Qu’était-ce que cette Eglise, où, sur un loi sujet, l’arbitre suprême déclarait licite d’enseigner le pour et le contre ? Pusey n’en paraissait pas troublé, et sa confiance dans la situation de l’anglicanisme demeurait entière.

  1. Life of Pusey, t. IV, p. 214, 215.
  2. C’est le même clergyman dont il a été question lors des troubles suscités en 1850, dans l’église S. Barnabas.
  3. Life of Pusey, t. IV, p. 216 à 219 et 225-226.