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laïque ; en appel, le Comité judiciaire du Conseil privé, composé de légistes, auxquels, eu certaines causes, ou adjoignait, à titre d’assesseurs, quelques évêques, tribunal purement civil, politique même, dont l’évêque de Manchester disait, pour le louer, que ses membres « considéraient les choses, non pas seulement avec des yeux de légistes, mais avec des yeux d’hommes d’Etat[1]. » Qu’un tel tribunal décidât souverainement de la discipline intérieure et de la liturgie de l’Eglise, cela n’était pas pour embarrasser les Low churchmen, étrangers aux aspirations vers l’indépendance spirituelle qui commençaient à se faire jour dans d’autres parties de l’Eglise anglicane ; ils ne voyaient qu’une chose, c’est que les décisions antérieures du Conseil privé avaient témoigné de peu de bienveillance pour le High Church, et ils se sentaient par là encouragés à provoquer de nouveau son intervention.

La manœuvre cependant n’était pas sans présenter quelque difficulté. La poursuite ne pouvait être intentée qu’au nom d’un paroissien se prétendant lésé par les innovations rituelles de son pasteur, et l’instrument à mettre en mouvement était singulièrement coûteux ; les frais de ces procédures s’élevaient à des chiffres énormes, 50, 100, 200 et même 300 000 francs ; si, en cas de condamnation, ces frais devaient être écrasans pour les clergymen poursuivis, ils risquaient, en cas d’acquittement, de retomber à la charge du poursuivant. Un particulier ne se fût pas exposé à une telle dépense, s’il n’eût été couvert par la Church Association. Aussi les prétendus paroissiens qui vont prendre l’initiative des diverses poursuites, ne seront-ils toujours que les prête-noms de cette association. Celle-ci, dès le début de la campagne, décida, dans une conférence tenue à Willis’s Rooms, de réunir un fonds de garantie de 4 250 000 francs. A la fin, elle se vantera d’avoir dépensé deux millions et d’avoir, à ce prix, obtenu soixante condamnations contre les Ritualistes[2].

La première de ces poursuites fut dirigée contre le Rev. Mackonochie, vicar de S. Alban Holborn. Ainsi commençait la longue lutte judiciaire que ce clergyman devait soutenir pendant seize ans, avec une indomptable ténacité, et qui a fait de lui le personnage le plus représentatif du parti ritualiste à cette époque.

  1. Cité par Church, Occasional papers, t. II, p. 58.
  2. Cf. les nombreux tracts publiés par cette association, notamment The past labours of the Church Association, par M. Greaves Hagshawe.