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raison de l’habitude, depuis longtemps prise par les Ritualistes, d’en faire à leur tête, sans avoir égard aux opinions des évêques. Aussi, dans le public et chez les intéressés des deux partis, personne ne crut que la question eût fait un pas. Le Times constatait les irrémédiables divisions de l’épiscopat et compatissait, avec une ironie dédaigneuse, à son impuissance[1]. Les évêques eux-mêmes ne se faisaient pas d’illusion, et, à la Convocation de l’année suivante, Tait se plaignit que « les recommandations faites par la Convocation précédente fussent tombées dans des oreilles sourdes. » « Je suis effrayé de constater, ajoutait-il, que, pour ce qui concerne certaines personnes qui sont les promoteurs de ce rituel, nous devons considérer comme acquis, par leurs propres déclarations, qu’elles ne regardent pas la décision à laquelle est arrivée cette Chambre, comme les liant en quoi que ce soit. Elles refusent manifestement d’être guidées par leur évêque particulier ; elles refusent aussi d’être guidées par la voix collective des évêques… Il a été prouvé que notre effort avait échoué. Le mal, quoi qu’on en pense, subsiste entier ; l’inquiétude de l’esprit public augmente, et aussi, j’ai regret de le dire, les contentions[2]. »

L’indocilité dénoncée par Tait n’était que trop évidente. Il l’avait rencontrée lui-même, plus d’une fois, dans ses rapports avec le clergé de son diocèse, et elle s’était manifestée dès l’origine du mouvement ritualiste. N’est-ce pas l’un des premiers initiateurs de ce mouvement, le Rev. Neale, renommé pour son zèle et sa piété, qui, en 1863, après seize ans de contestations avec son évêque, se vantait « de n’avoir jamais retiré un seul mot ni modifié aucune pratique, si ce n’est, dans certains cas, pour aller plus loin[3] ? » Les Ritualistes ne se faisaient aucun scrupule de ce manque absolu d’obéissance, qui leur paraissait justifié par le discrédit même des évêques. S’il eût fallu suivre ceux-ci, disaient-ils, aucun progrès religieux n’eût été possible ; et il ne se fût jamais produit aucun mouvement dans l’Église.

Cette impuissance de l’action épiscopale conduisit les adversaires du Ritualisme à se tourner vers l’État et à lui demander la répression qu’ils jugeaient nécessaire. Un projet de bill sur les « vêtemens cléricaux » fut déposé, en 1867, par lord

  1. Voyez notamment un article du 21 février 1868.
  2. Life of Tait, t. I, p. 411, 412.
  3. The Anglican Revival, par Overton, p. 141.