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L’élaboration de tel alliage qui, pour nos céramistes contemporains, n’est qu’un jeu, semblait fort compliqué à leurs arrière-grands-pères : le « pourpre de Cassius, » dissolution d’or précipité par le protochlorure d’étain, passait naguère pour devoir être exclusivement fabriqué avec certains ducats d’Espagne. Le « service aux ducats, » dans la vieille faïence de Lunéville, tire son nom des pièces d’or remises au chimiste qui savait l’art de transmuer cette monnaie en peinture. Quant à l’ « or brillant, » à 1 800 francs le kilo, ce fut jusqu’à nos jours le monopole d’une famille allemande, qui possédait le secret de tenir ce métal, liquéfié, en suspension dans du baume de soufre.

L’or, en effet, pour s’appliquer sur la porcelaine, doit être absolument fluide. Mais, au lieu de l’employer battu en feuilles et broyé ensuite avec du miel, comme nos ancêtres, nous le dissolvons dans l’eau régale, — acides chlorhydrique et nitrique mêlés. — Puis on le revivifie en forme de poudre brune, impalpable, sous l’action de la couperose verte, — sulfate de protoxyde de fer, — à raison de 100 grammes d’or par dix litres de liqueur. Enfin, pour le coller à l’émail pendant la cuisson, on y ajoute un corps facile à fondre : l’oxyde de bismuth. L’or ne prend son éclat métallique, au sortir de la moufle, que par le « brunissage, » frottement prolongé à l’agate, à la sanguine ou autre pierre dure.

Ni l’or ni ses dérivés, tels que les roses au carmin, ni d’ailleurs la plupart des oxydes colorans, ne supportent les hautes températures. La palette du « grand feu » est donc très restreinte. Malheureusement, la porcelaine dure, après avoir subi ce grand feu, est impénétrable. La décoration qu’elle reçoit ensuite garde, après cuisson à la moufle, l’aspect de pains à cacheter adhérant à la surface ; souvent elle reste mate et opaque. Toutes différentes sont les peintures chinoises : jaune d’anguille ou « foie de mulet, » « poil de lièvre » ou « thé en poudre, » aubergine, poirier du Japon ou « bleu du ciel après la pluie, » ces couleurs aux noms conventionnels prennent, sous l’émail des Célestes, une transparence pure et vibrante. C’est que leur couverte calcaire est plus tendre et leurs fours moins chauffés. Sèvres et Berlin imitent depuis peu les Orientaux, mais l’industrie privée reste fidèle à la pâte dure.

Limoges ne peut oublier qu’elle dut à cette pâte son succès, lorsqu’un commissionnaire en marchandises à New-York, entre