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Fontainebleau. L’ancienne, excellente pour le service de table, résiste à toutes les variations de température, et l’acier du couteau ne parvient pas à la rayer ; mais elle se décore mal. La nouvelle pâte est plus tendre, mais fusionne mieux avec la couleur.

Sauf ces différences dans les proportions, les porcelainiers emploient les mêmes matières premières qu’il y a cent ans, lorsque Limoges, à ses débuts, ne comptait qu’une fabrique, vendue, le 13 vendémiaire an V, à deux ouvriers qui ne réussirent pas. Les faïenciers d’alors, au contraire, avaient, depuis deux siècles, lentement édifié leur industrie ; ils avaient produit des chefs-d’œuvre. Plusieurs s’étaient enrichis, anoblis même, témoin la permission donnée par la duchesse de Nevers, en 1638, à « noble A. de Conrade, faïencier, de tirer de la terré propre à faire de la vaisselle dans toutes les places communes des environs. » A Moutiers, le dernier de la dynastie des Clérissy, maîtres-potiers de père en fils depuis 1632, devint baron en 1750, puis comte de Trévans et portait d’argent à trois pinceaux de sable.

Pourtant cette industrie de la faïence a presque totalement disparu au XIXe siècle, remplacée par une industrie nouvelle qui n’a de commun avec elle que le nom. C’avait été un grand progrès, sur la terre cuite primitive, que d’envelopper les poreuses argiles, rouges ou grisâtres, d’un émail imperméable et opaque à base d’oxyde d’étain, qui acquérait après fusion la blancheur et le poli. Les peintures « sur cru, » auxquelles il se prêtait, cuisaient avec l’émail. Les traits risquaient de perdre un peu de leur finesse, de s’élargir ou même de se déplacer, lorsque la couche de farine métallique qui revêtait la pièce se transformait, par fusion, en un enduit glacé. Mais ces inconvéniens étaient bien compensés par le flou précieux du décor et la douce harmonie des tons. La matière toutefois restait lourde, fragile et relativement coûteuse.

Pendant que sur le continent on s’occupait de la porcelaine, en Angleterre on perfectionnait l’ancienne « terre de pipe. » L’introduction du silex broyé rendait la pâte plus blanche et plus dure ; le vernis, grâce aux travaux de Wegdwood, devenait moins plombeux et plus résistant. Le traité de commerce de 1783 permit l’introduction en France de la « terre d’Angleterre. » La tradition veut que deux Anglais, les frères Leigh, victimes de la persécution religieuse dans leur pays, aient