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comme pacifique, et il l’était dans les termes ; mais il était rempli et comme enflé de cette confiance sans bornes que l’Allemagne a en elle-même et qui a fait dire à son Empereur que l’Empire universel lui appartiendrait un jour, — pacifiquement bien entendu. N’a-t-il pas dit aussi, dans une autre circonstance, que l’avenir de son pays était sur les mers ? Malheureusement, sur les mers, il rencontre partout l’Angleterre, et il est sans doute inévitable que cette rencontre indéfiniment renouvelée amène un jour entre les deux pays des frottemens plus ou moins durs : hypothèse sans doute, et hypothèse à échéance assez lointaine pour que les élémens qui la constituent puissent se modifier sous l’action d’une diplomatie habile et conciliante, mais hypothèse trop vraisemblable pour qu’on n’en tienne pas compte à Londres et à Berlin. La sécurité de l’Allemagne tenait peut-être en partie à l’opposition d’intérêts et de souvenirs qui existait et qui se perpétuait en Égypte entre la France et l’Angleterre. De plus, si la première de ces deux puissances inaugurait un jour une politique plus active au Maroc, on pouvait prévoir que, là aussi, s’établirait une rivalité ardente. Cette question du Maroc semblait de nature à diviser toutes les puissances méditerranéennes. L’Italie devait craindre, si elle était réglée au profit d’une autre et sans compensations pour elle, que l’équilibre des forces ne fût changé à son détriment dans la Méditerranée. Quant à l’Espagne, son histoire lui constitue des droits au Maroc, et son imagination héroïque et chevaleresque se tourne volontiers de ce côté avec espérance : il était difficile de la contenter et imprudent de ne pas le faire. Les données du problème marocain étaient donc très complexes et les solutions très délicates.

Laissons de côté pour aujourd’hui, parce qu’elle n’aurait qu’un intérêt rétrospectif, la question de savoir si on a bien fait de le poser ; en tout cas, on l’a fait avec une adhésion explicite, bien qu’elle ait été tacite, du Parlement en France, et nous n’avons plus qu’à nous demander comment la solution en a été préparée. Eh bien ! cette question du Maroc, qui menaçait de nous brouiller avec tout le monde, a tourné d’une manière imprévue : elle nous a réconciliés avec les uns et intimement rapprochés des autres. L’Italie a oublié sa déception tunisienne, et tous nos malentendus méditerranéens ont été dissipés avec elle à l’occasion du Maroc. Du même coup, nous avons réussi à régler avec l’Angleterre, et l’une pour l’autre, la question marocaine et la question égyptienne, sans parler de quelques autres encore. Enfin nous avons fait avec l’Espagne un arrangement dont