Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/955

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avoués de cette démarche et la démarche elle-même, qu’il faut bien en chercher ailleurs l’explication : mais où la trouver ?

La politique allemande consistait, depuis d’assez longues années déjà, à regarder d’un œil bienveillant l’expansion de la France hors du continent européen, et à la favoriser, bien loin de la contrarier. Elle avait été inaugurée et poursuivie par le prince de Bismarck avec une grande fermeté de desseins : nous en avons eu la preuve en Tunisie, en Indo-Chine, au Maroc même. Le Temps a publié, en ce qui concerne le Maroc, quelques extraits de la correspondance diplomatique relative à la convention de Madrid de 1880. Il répondait à un journal allemand qui avait invoqué le précédent de cette convention, bien que ce précédent ne se rapportât ni de près ni de loin aux circonstances présentes. Les questions réglées par la convention de 1880 se rapportaient en effet, non pas aux affaires générales du Maroc, mais à la situation de quelques personnes protégées par les légations européennes, et elles n’avaient qu’une importance secondaire. Quoi qu’il en soit, notre diplomatie a trouvé à cette époque, — les extraits de la correspondance diplomatique en font foi, — le concours le plus empressé de la diplomatie allemande. La Gazette de Cologne a répondu au Temps, dans un article aux allures officieuses, que ce concours avait été la conséquence naturelle des excellens rapports qui existaient alors entre les deux gouvernemens, et elle a voulu indiquer par-là que ces rapports s’étaient altérés ; mais c’est précisément la cause de cette altération qui nous échappe, et, en tout cas, il reste acquis que la France trouvait habituellement autrefois le bon vouloir de l’Allemagne à l’égard de sa politique coloniale. Le prince de Bismarck attachait un très grand prix à nous donner l’impression que si, en Europe, un conflit sanglant avait eu lieu entre les deux pays et avait laissé des traces malheureusement durables, nous pouvions du moins compter sur lui pour favoriser notre expansion à travers les mers. Cette politique avait, dans cet esprit profond, une raison d’être qui ne l’était pas moins. Il s’agissait pour M. de Bismarck de nous laisser chercher et trouver des satisfactions dans d’autres continens, de nous y encourager et même de nous y aider discrètement, ce qui avait pour l’Allemagne un double avantage : le premier est que cette diversion nous occupait au loin ; le second est que notre politique coloniale nous mettait en opposition avec d’autres puissances, et nous empêchait de trouver parmi elles des alliances et des amitiés. Nous en avons trouvé une cependant, et elle nous reste toujours infiniment précieuse, celle de la Russie. La Russie et la France opèrent hors de