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Volkhardt, qui a demandé satisfaction à Lauffen et n’a pu l’obtenir, un sous-officier ne pouvant se battre avec un officier, tue sa fille. Le tableau le plus saisissant est celui du conseil de guerre ; l’artifice consiste ici à reproduire avec une exactitude minutieuse tous les détails de la procédure et à nous mettre sous les yeux la scène en lui conservant tous les caractères de la réalité. Ce sont des effets avec lesquels l’art réaliste nous a rendus familiers. — Seulement, l’image qui nous est présentée avec cette puissance de réalisme, est celle de l’armée allemande, de celle même qui attend l’arme au pied de l’autre côté de notre frontière. Tout est là.

Comment s’explique le succès considérable que la Retraite a obtenu en Allemagne ? Ce n’est pas notre affaire de le démêler. Nous ne nous plaçons qu’au point de vue du public français, et d’un public qui, — nous l’avons constaté de nos yeux, au cours des représentations, — était composé en grande partie d’officiers. Pour ce public, quel intérêt poignant ! Au moment où, chez nous, l’attention de tous est attirée plus que jamais vers les questions militaires, on nous introduit au cœur d’une garnison allemande ; ce ne sont sous nos yeux que dragons badois, uhlans de Magdebourg, cavaliers hanovriens, artilleurs et cuirassiers blancs. On nous montre la machine puissamment organisée, on en fait jouer devant nous les rouages, on nous en révèle l’âme. Du haut en bas, c’est une discipline de fer, contre laquelle on peut bien maugréer, mais à laquelle on se soumet dans un intérêt supérieur. « A vos ordres ! » est la phrase qui revient sans cesse comme un refrain. Le métier est rude, mais on aime le métier, on n’en connaît pas de plus beau, il n’y en a pas qui ait davantage l’estime du pays ; et c’est un jour de deuil que celui où, vieilli et fourbu, il faut quitter le service, dépouiller la chère vieille tunique. L’esprit de corps sert de conscience à ceux qui seraient tentés de se laisser égarer, mais qui font au bien commun le sacrifice de leurs révoltes individuelles. « Savoir nous dominer, c’est l’essentiel ; savoir nous dominer par honneur professionnel pour que les barbouilleurs de papier ne trouvent pas une place, pas la moindre, où planter leurs flèches, leurs mauvaises plaisanteries, que les attaques de ces drôles se retournent contre eux, si malgré tout ils nous insultent. » Au surplus, l’union est facile à faire quand on la fait contre quelqu’un ; et ce quelqu’un, c’est l’ennemi ; et cet ennemi, c’est nous. « HOWEN. Si demain matin on sonne encore l’alarme à trois heures, tu seras le premier sur pied, et malheur à celui de tes hommes qui ne sera pas vif et dispos comme une truite de ruisseau. Et après, que de l’autre côté se montre un de ces messieurs