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passion avec la pâtisserie, et du symbolisme le plus saugrenu avec un soi-disant réalisme, dont la platitude n’a d’égale que la fausseté.

Sous prétexte de vérité, c’est en effet le comble de la convention et de l’artifice, que de prétendre imposer une expression musicale à des choses et à des paroles dont la nature est incompatible avec la nature de la musique elle-même. La grande erreur de M. Bruneau consiste à croire qu’il n’existe ni de ces paroles, ni de ces choses-là. Et alors qu’est-ce qu’il nous chante ! Ou plutôt que ne nous chante-t-il pas ! « Les brioches, monsieur, elles sont finies. Voici des madeleines… Ce saint-honoré, deux francs… Madame, vous désirez ?… Tiens, Charles, ce baba, et toi, Thérèse, cet éclair. »

Avec le même soin que les détails de la vente, la musique note ceux de la comptabilité. L’inventaire, la caisse et le livre de commandes sont matière à récitatif « obligé, » et les époux Delagrange ne nous entretiennent guère sur un mode moins lyrique de leur comptoir que de leur alcôve, de leurs affaires de commerce que de leurs affaires de cœur. Au fond, c’est le principe de l’opérette. Une formule célèbre : « Ce qui ne vaut pas la peine d’être dit, on le chante, » l’avait défini d’avance. Offenbach en a tiré des effets mémorables, soit qu’il ait mis sur les lèvres d’Hélène, fille de Jupiter, cette invitation à Paris : Nous dînons à sept heures ; nous nous mettons à table vers sept heures ; soit qu’en un chœur — charmant — de la Vie parisienne, il ait exprimé la crainte de ne pas trouver de voiture en sortant de la gare Saint-Lazare. L’idée a du bon ; elle est en quelque sorte la base même du genre bouffe et de la caricature ou de la parodie musicale. Le tort de M. Bruneau, quand il la prend ou la reprend pour son compte, c’est de la prendre au sérieux.

Le réalisme de l’Enfant-Roi se montre encore sous d’autres aspects. Auprès, ou plutôt au-dessous de François et de Madeleine, pour servir d’antithèse et de repoussoir à leur ménage sympathique, le mitron et la vendeuse, Auguste et Pauline, forment un couple odieux. Ils échangent des propos de boulevard extérieur et par eux, dans ce complet ouvrage, on voit s’ajouter à la banalité générale un soupçon de bassesse et presque d’ignominie.

Le symbolisme enfin ne pouvait manquer en, cette affaire, et le voici. Peut-être avez-vous oublié Messidor, des mêmes auteurs. Eh bien ! l’Enfant-Roi n’est que la suite et comme l’épanouissement de Messidor. L’un était l’opéra du blé ; l’autre l’est du pain. Car la pâtisserie dans l’Enfant-Roi ne représente que l’agrément extérieur du sujet ; la boulangerie en fait le fond et la force. « L’étrange monde, »