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tête à l’émeute et adressa à lord Russell une lettre sévère et digne. Quant à l’évêque, il ne trouva d’autre moyen de mettre fin à ces désordres que de demander au vicar sa démission. Celui-ci s’exécuta et se retira dans une paroisse de province, laissant son évêque assez peu fier des éloges que lui valait son intervention[1].

Aussi bien cette intervention n’avait-elle pas supprimé la difficulté. Le successeur de M. Bennett, le Révérend Liddell ne se montra pas moins ritualiste, si bien qu’en 1854, des paroissiens, poussés par les meneurs protestans, portèrent plainte devant les tribunaux ecclésiastiques. Ceux-ci décidèrent, en 1855 et 1856, que plusieurs des innovations rituelles qui leur étaient dénoncées, étaient illégales. M. Liddell, encore imparfaitement éclairé sur les dangers de l’intrusion des cours civiles dans les affaires d’Eglise, déféra ces décisions au Comité judiciaire du Conseil privé et lui fournit ainsi l’occasion d’inaugurer la longue série de ses décisions cultuelles. Ces juges laïques, assistés de l’archevêque de Canterbury et de l’évêque de Londres qui était alors Tait, se montrèrent plus larges que les premiers juges ecclésiastiques. Par décision du 21 mars 1857, ils admirent la légalité d’un autel sculpté et orné, pourvu qu’il fût en bois, de couvertures d’autel en couleurs variées suivant les saisons, de croix sur les murs du sanctuaire. Ce qu’ils déclarèrent illégal, c’étaient les dentelles brodées sur la nappe de communion, la croix fixée sur la table de communion et surtout l’autel en pierre[2]. Les motifs par lesquels les juges appuyaient leur décision sur ce dernier point méritent d’appeler l’attention, parce qu’ils mettent bien en lumière la question de doctrine qui était engagée dans ces contestations sur des formes extérieures. Voici ces motifs :


La distinction entre un autel et une table de communion est en elle-même essentielle et fondée profondément sur la plus importante divergence, en matière de foi, qui sépare les protestans et les romanistes, c’est-à-dire sur la différence existant entre l’idée qui prévalait dans l’Église catholique romaine, au temps de la Réforme, sur la nature du Lord’s Supper, et celle qui fut introduite par les réformateurs. Bans le premier cas, c’était considéré comme un sacrifice du corps et du sang du Sauveur ; l’autel était la place sur laquelle le sacrifice devait être fait, les élémens consacrés, et ensuite

  1. Memoir of Blomfield, t. II, p. 136 à 159, History of the Romeward movement, p. 317 à 320.
  2. Life of Tait par Davidson, t. I, p. 217, 218. The Romeward movement, p. 357 à 361.