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pour moi, j’espère que mes lettres vous arrivent, le facteur part tous les matins pour Palaiseau, et de là pour Versailles.

Je viens de Châtenay, où je ne m’établirai pas avant quelques jours. Il n’y a de postes ni là, ni à Sceaux. Un facteur envoyé de Versailles stationne depuis quatre jours à Berny attendant des courriers ; ils n’arrivent pas, il est les bras ballans. Tout est désorganisé.

A partir d’aujourd’hui, par avis affiché dans les chemins de fer, aucun homme valide ne peut sortir de Paris. On ne délivre plus de billets. Goumy, qui avait son aller et retour, a passé à grand’peine et par une complaisance du capitaine du poste de Sceaux-Ceinture. Naturellement, je n’irai plus à Paris avant le rétablissement de l’ordre.

Les insurgés ont saisi la caisse des pompes funèbres, et reçoivent en son lieu et place. Ils font des visites domiciliaires, et enrôlent de force les gardes nationaux du parti contraire, ou tièdes. Ils appliquent leurs décrets sur les biens du clergé, et ont saisi la maison des Jésuites, rue des Postes. Ils ont emprisonné Assi qui voulait traiter avec l’Assemblée. On peut estimer leur armée à cent vingt mille hommes, dont quarante mille résolus. A Versailles quatre-vingt mille hommes au moins et qui s’accroissent tous les jours, surtout par la rentrée de l’armée de Metz ; tous très résolus, très irrités, très montés, et disant tout haut aux voyageurs qu’ils vont taper dur.

Trois mille cinq cents gardes nationaux prisonniers à Versailles, Flourens tué d’un coup de sabre ; Henry et Duval les généraux improvisés, prisonniers, l’un d’eux fusillé. Leur déroute hier a été complète. A Châtenay, ils se sauvaient, jetant leurs fusils qu’on a portés à la mairie.

Ils ont Vanves, Issy, Montrouge. Ce matin, à neuf heures, ils étaient tout à fait chassés de Châtillon, qu’ils ont canonné toute l’après-midi. Du jardin, à trois heures, j’entendais les explosions continues et les grincemens des mitrailleuses. Je les crois refoulés dans Paris et dans les forts. Châtenay est à l’abri, mais ce matin leurs obus tombaient sur Robinson, tous les gens de cet endroit ont dû fuir.

Mes renseignemens sont sérieux. M. Paul Flury revient de Versailles. Goumy et cinq autres de Paris pour la dernière fois.

J’ai rapporté de Châtenay quelques volumes. Ma vie est bien