force, peut-être à une rentrée des Prussiens, aux vivres coupés à Paris, etc. ; c’est pourquoi nous nous en allons.
D’ailleurs, le sentiment de notre impuissance et de la déraison générale nous désole.
Je suis arrivé depuis trois heures ; je trouve Orsay fort tranquille et presque sans trace de guerre.
J’ai le cœur mort dans la poitrine ; il me semble que je vis parmi des fous et que le gendarme prussien est en route avec sa trique pour les mettre à la raison. J’ai même perdu le sentiment de l’indignation.
Je crois que vous savez mieux que moi la situation politique ; — aujourd’hui, en revenant de Châtenay à la station de Berny, j’ai arrêté une voiture venant de Versailles, et dans le train j’ai causé avec des gens venant de Paris. — L’Assemblée tient bon, elle a 50 000 à 60 000 hommes de troupes, les zouaves pontificaux. Seine-et-Oise est en état de siège. Les maires et députés de Paris sont pour elle. Elle déclare l’urgence pour la loi sur les élections communales. Il y a des espérances d’arrangement. Beaucoup de gardes nationaux commencent à comprendre qu’ils font une sottise. — Cependant les barricades se multiplient dans Paris, et le désordre est parfait.
Les gardes nationaux jouent au bouchon ; plusieurs n’ont pas de pain, et font des quêtes pour acheter du « saucisson et une goutte. » Ils ont occupé les forts. — En somme, il est possible que, par dégoût et lassitude, ils laissent l’ordre se rétablir. Mais j’espère que l’Assemblée ne fera pas la folie de revenir à Paris ; si elle y eût été, l’émeute l’eût prise comme dans une souricière, et tout était perdu.
J’arrive de Châtenay ; les Allemands l’ont évacué hier. Les meubles ont été forcés ; les livres dans la bibliothèque et dans mon cabinet paraissent intacts, quoiqu’en désordre. Nous avons ouvert toutes les portes et fenêtres pour donner de l’air ; je fais acheter du chlore ; on en mettra dans toutes les chambres. Le jardinier commence à entasser les ordures : il a un homme pour