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que la vieille société russe de cette ville témoignât publiquement, pour la cause française, des sentimens trop vifs qui deviendraient un embarras pour le cabinet russe. M. Thiers n’a pas eu moins à se louer, en Italie, du roi Victor-Emmanuel. Ce prince s’est montré très empressé à entrer dans les vues de M. Thiers, répétant toutefois, à plusieurs reprises, que tous ses sujets n’étaient pas aussi bien disposés. Paul de Rémusat m’a dit que la proposition d’armistice est, dans l’idée des puissances étrangères, un armistice purement militaire. Elle est donc, d’un commun accord, proposée par les quatre puissances, qui ont eu quelque peine à se décider à cette démarche. L’empereur de Russie adonné à M. Thiers une lettre pour le roi Guillaume, lettre par laquelle il lui demande positivement de laisser M. Thiers aller à Paris pour se concerter avec M. Jules Favre, avant d’entrer en conférence avec le ministre prussien, au sujet de l’armistice. M. Thiers tient beaucoup à ce que l’on sache qu’il ne propose rien de son propre chef, qu’il ne fait qu’apporter des propositions émanant des cabinets étrangers, et qu’il n’a pas d’autre but, en revenant à Paris, que de prendre à leur sujet les instructions du gouvernement français. Il désire aussi qu’on n’ignore pas qu’il a refusé de parler politique avec le roi Guillaume et M. de Bismarck. Il n’a vu celui-ci qu’en passant à Versailles, par pure courtoisie, pendant quelques minutes seulement. Ils n’ont pas échangé d’autres paroles que celles-ci : « Je ne puis vous parler, monsieur le comte, aurait dit M. Thiers, que pour vous dire que je n’ai rien à vous dire. — Je le comprends, » aurait répondu M. de Bismarck. M. Thiers n’a point l’air trop fatigué ; je l’ai quitté sur les deux heures et demie et je me suis rendu à mon Cercle.

En passant à la place Vendôme et dans la rue de la Paix, je vois battre le rappel. Les femmes sont sur le devant des boutiques. Je demande à la place de l’état-major de la garde nationale ce que c’est que cette alerte, et si l’on bat aussi le rappel dans mon quartier. Un officier de l’état-major m’a dit que c’est lui qui a donné des ordres pour le rappel des divers bataillons, et que le mien (le 15e) n’est pas convoqué. A peine arrivé à mon Cercle des chemins de fer, on me dit qu’il règne une grande émotion dans Paris, que les bataillons de la garde nationale de Belleville sont en train de descendre à l’Hôtel de Ville, et que les Rouges y ont déjà proclamé la Commune ; d’ailleurs, rien de