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des biens qui lui fournissent d’abondantes ressources. L’existence matérielle de l’Église est assurée ; la plus large tolérance est pratiquée à son égard. Le mot de tolérance ne caractérise même pas exactement l’état d’esprit des gouvernemens à l’égard des diverses Églises : s’il fait ressortir la liberté, non pas toujours égale, mais toujours très large, qui est accordée à chacune d’elles, il n’exprime pas suffisamment le sentiment de bienveillance qui s’étend sur toutes. Ce que nous disons de l’Europe est encore plus vrai de l’Amérique, et surtout des États-Unis. Là, l’Église est vraiment séparée de l’État ; il n’y a plus de traitemens payés aux membres des divers clergés ; mais une liberté presque sans limites est laissée aux associations religieuses pour se procurer des ressources, sinon pour les accumuler. Au surplus, les États-Unis ne pratiquent pas ce que nous appelions plus haut la laïcité de l’État dans le sens qu’on donne actuellement à ce mot en France. M. Briand le constate et il s’étonne de ces « dérogations au principe de la neutralité : allocations accordées par les Chambres fédérales à des chapelains appartenant aux diverses confessions chrétiennes, et qui disent des prières au début de chaque séance ; proclamation annuelle du Président de la République ordonnant des actions de grâces ; proclamations analogues de gouverneurs d’État fixant des jours pour la célébration des cérémonies religieuses ; honneurs publiquement rendus et égards officiellement témoignés par le Président de la République et toutes les autorités civiles aux dignitaires ecclésiastiques, notamment aux archevêques et aux cardinaux de l’Église romaine, etc. » Et ce n’est pas tout : ce qui précède a un caractère moral, ce qui suit a une portée plus pratique. « Les corporations religieuses, dit M. Briand, sont traitées avec beaucoup de bienveillance, on ne saurait trop le répéter. Leurs biens sont parfois partiellement exemptés d’impôts. Dans certains États (Maine, Massachusetts), elles sont autorisées non seulement à réclamer des cotisations, des taxes aux fidèles, mais encore à faire percevoir ces taxes dans les mêmes formes que les impôts d’État ou les impôts communaux. » M. Briand n’en revient pas ! « Un semblable régime légal, dit-il, a, bien entendu, eu pour conséquence un accroissement prodigieusement rapide de la puissance morale et matérielle des Églises, et notamment de l’Église catholique. Jusqu’à présent, aucun parti politique ne paraît disposé à y mettre obstacle. Le nombre des non-croyans est néanmoins considérable aux États-Unis. Si les interventions des Églises dans les affaires publiques devenaient plus fréquentes et moins discrètes ; si les efforts