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l’Assemblée constituante jusqu’au 15 octobre 1789. Chose à peine croyable, bien qu’elle ait été minutieusement décrite par les publications contemporaines, notamment dans la correspondance de Grimm, cette salle, vendue par adjudication moins de dix ans après, puis démolie, fut très vite à ce point oubliée que, dans ses Mémoires d’Outre-Tombe, Chateaubriand n’hésita pas à relater que « traversant Versailles, il vit la salle de l’Assemblée sur la place du palais, » où elle ne fut jamais. Et depuis lors, en ce lieu, illustre entre tous, rien ne rappelle tant de décisives séances, si ce n’est, sur un mur décrépit, une plaque aussi peu visible que semblent trop souvent l’être devenues, dans ce pays même qui les revendiqua avec une ardeur passionnée, les libertés inscrites dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, discutée et votée dans cette salle, dont il ne subsiste rien. Ne serait-ce pas, du moins, pour Versailles, comme pour la France, un imprescriptible devoir que de réclamer, si tardive qu’elle dût être, l’exécution de la loi votée, en 1879, sur l’initiative d’Edouard Charton et d’Henri Martin, qui n’a jamais été abrogée et ne saurait l’être ?

Tels sont quelques-uns des souvenirs les plus marquans, dont le cours des événemens, depuis 1789, a accru les annales de Versailles. S’ils n’ont certes pas diminué l’intérêt de celles-ci, ils ne nous feront, cependant, pas perdre de vue, les seules questions soulevées aujourd’hui par le nom d’une ville qui est redevenue le domaine de l’art et de l’histoire. Ce sont ces questions, dignes de la sollicitude nationale, qu’il nous reste à examiner, en rappelant ce qui a été fait, en tâchant d’indiquer ce qu’il faut faire, si l’on tient à sauver des atteintes du temps de précieux vestiges du passé et à ne pas leur laisser perdre ce caractère d’art et de majestueuse beauté que voudraient, autant qu’il est possible, restituer à Versailles ses admirateurs.


ALPHONSE BERTRAND.