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du 18 janvier 1871 marqua, aux portes de Paris assiégé, bombardé, affamé, l’apogée du triomphe de l’ennemi.

Durant cette période, et ce jour-là plus que tout autre, Versailles avait eu le triste privilège de redevenir, « une ville historique. » Comme la fin des deux siècles précédens, — l’un après l’autre, témoins, en cette ville, de l’apogée du règne de Louis XIV, puis de la Révolution, — le XIXe siècle, en effet, au cours de ses trente dernières années, vit à Versailles toute une série de faits qui eurent pour les destinées de la France et du monde les plus graves conséquences.

Huit jours ne s’étaient pas écoulés depuis que le dernier soldat prussien avait quitté Versailles, qu’y arrivait tout à coup une nouvelle armée, qui cette fois était une armée française, mais combien humiliante était son allure ! Des compagnies entières débandées, indisciplinées, sans armes, n’ayant souvent que des lambeaux d’uniforme, défilaient sous les fenêtres de cet hôtel de l’avenue de Paris, où, pendant six mois, avait habité Guillaume Ier et dans lequel Thiers venait de s’installer, ayant la douleur de voir la guerre civile succéder à la guerre étrangère qui, elle aussi, parut à la veille de renaître.

Un moment, le château, où siégeait l’Assemblée nationale, qui pendant quatre années y tint de si importantes et parfois de si émouvantes séances, redevint le siège du gouvernement de la France ; mais à quel point avait disparu, même dans ces salles solennelles, le majestueux décor de Louis XIV ! On eût dit un campement improvisé en toute hâte. Sur les portes des anciens salons royaux, encombrés de caisses, de dossiers, d’ustensiles de toute sorte, un écriteau, apposé à la hâte, indiquait le refuge provisoire de tel ministère ou de telle administration ; la galerie des Glaces fut pendant quelques jours transformée en dortoir pour les députés qui n’avaient pas trouvé de gîte.

Ce n’était pas seulement au château lui-même que ces cruels jours infligèrent leur empreinte. Comme si les deuils de la France devaient assombrir jusqu’à des lieux dont le nom évoquait presque exclusivement le souvenir des plus somptueux ou des plus aimables plaisirs d’un autre siècle, ce fut dans le manège, où les exquises gravures de Cochin nous font assister à quelques-unes des plus gracieuses fêtes du règne de Louis XV, que se déroulèrent les longues audiences du Conseil de guerre qui eut à juger les chefs de la Commune. Un peu plus tard, c’est à Trianon