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de l’invasion de Versailles par les bandes parisiennes. Comment Charles X n’eût-il pas été frappé de cette sombre coïncidence, en ces lieux témoins de tant d’heures agréables, au temps où, avec la Reine, Madame Elisabeth, Mmes de Polignac, de Guiche, de Polastron, MM. d’Adhémar, de Vaudreuil, d’Esterhazy et d’autres, il y jouait les comédies de Beaumarchais, pleines déjà du souffle de la Révolution ?


IV

De même que dans leurs programmes politiques les libéraux de la Restauration avaient amalgamé les principes de 1789 et les souvenirs impériaux, de même Louis-Philippe dans le plan qu’il adopta pour la transformation de Versailles, combina, en leur donnant plus d’ampleur, les vues de la Convention qui avait songé à faire du château un vaste musée et le projet conçu par Napoléon qui, nous l’avons dit, avait pensé à réunir dans le palais de Louis XIV des monumens de nos victoires. La lecture du Mémorial de Sainte-Hélène, publié en 1823 et si vite populaire, en un temps où les chansons de Béranger obtenaient leur plus grand succès, avait appelé sur l’éventualité de cette affectation nouvelle du château de Versailles l’attention publique. Charles X était encore sur le trône, lorsqu’en 1827, parlant « du solennel, de l’abandonné Versailles, »


Dont aucun roi vivant, dans sa toute-puissance,
Ne peut remplir l’immensité,


un poète qui, dans les rangs romantiques, eut son heure de célébrité, Emile Deschamps, exprimait ainsi un vœu, que Louis-Philippe devait réaliser, après que des circonstances, dès lors presque prévues, eurent fait du Duc d’Orléans le roi des Français :


Levez-vous donc, géans exhumés de nos fastes,
Morts anciens, jeunes morts, pressez-vous sur le seuil !…
Héroïsme, génie, arts féconds, vertus chastes !
A vous, parcs et châteaux, nations du cercueil !
Si jamais dans ce lieu, par un appel suprême,
Tout ce qu’a vu de grand la France est évoqué,
La gloire y fera foule et, dans Versailles même,
L’espace, un jour, aura manqué !