subsides et de la protection de Louis XIV, les O’Brien étaient restés en France avec eux. Mais lorsque le traité d’Utrecht obligea Louis XIV à reconnaître la dynastie nouvelle qui régnait en Angleterre, les Stuarts cherchèrent un refuge chez le duc de Lorraine qui les accueillit à Commercy. Là le prétendant licencia les régimens irlandais qu’il ne pouvait plus payer. Un O’Brien épousa une personne du pays et se fixa à Rehon. C’est de lui que descend la famille de ma mère. Seulement le nom a été défiguré en route par les scribes des paroisses, fort peu au courant de l’orthographe anglaise. Dans les premières années du XVIIIe siècle on écrivait O’Brion. Cet O qui étonnait tout le monde a fini par disparaître. Il a été remplacé par Au, d’autant plus aisément qu’il y avait dans le pays de longue date une famille Aubrion avec laquelle on nous a confondus sans qu’il y eût entre nous la moindre parenté.
L’origine irlandaise est attestée par les actes les plus anciens et aussi par la continuité de la tradition. Ma mère, née en 1807, et sa cousine germaine, née en 1784, la conservaient si fidèlement qu’elles ne se couchaient jamais sans adresser au ciel une prière pour les âmes de Jacques il et de Jacques III. De tels exemples de fidélité à la dynastie déchue et éteinte existent peut-être en Angleterre, mais j’avoue que je n’en ai trouvé nulle part aucune trace. Au bout de deux générations, les Aubrion, mariés en Lorraine, se sont étroitement confondus avec la race française au milieu de laquelle ils vivaient. Durant les guerres de la Révolution et de l’Empire, mon grand-père fut un des premiers à donner l’exemple du patriotisme en travaillant aux fortifications de Longwy qui dominent Rehon, puis en acceptant l’entreprise des fortifications de Mayence qui lui était offerte par le génie militaire. Il resta douze années dans cette ville, en relations constantes avec l’Empereur qui la considérait comme sa tête de pont en Allemagne et qui n’y passait jamais sans visiter les travaux en cours. Avant d’être exécutés, tous les plans étaient soumis au maître qui les examinait avec beaucoup d’attention, qui y indiquait au besoin des modifications et des retouches. Mon grand-père admirait, en même temps que la netteté de ses vues et la fermeté de son caractère, la bonne grâce avec laquelle il écoutait les objections. Dès qu’il s’agissait de l’intérêt du service, il atténuait les angles, il faisait violence à son tempérament autoritaire et ne s’offensait pas lorsqu’on lui démontrait qu’il avait pu