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saisons, les plus belles statues du parc : le Milon, le Gladiateur mourant, le Jupiter olympien, la Vénus à la coquille, qui sont maintenant au Louvre, et plusieurs autres. Par les soins de Lagarde on commença aussi un catalogue des très nombreux livres, déposés au château ; beaucoup de ces volumes, richement reliés et ayant appartenu au Roi, aux princes et aux princesses, à de grands personnages, ont formé le noyau de la Bibliothèque de Versailles, ultérieurement établie dans l’hôtel de l’ancien ministère des Affaires étrangères. Le directoire du district, ayant ordonné, pour célébrer l’anniversaire du 10 août, le jeu des grandes eaux, qui, même en 1793, n’avait pas été interrompu, et l’ouverture du muséum au public, Lagarde se hâta de faire installer dans les salles du château nombre de beaux tableaux et d’œuvres d’art. Malheureusement, le représentant Dumont ayant été remplacé à Versailles par son collègue Delacroix, la tâche de Lagarde fut rendue si difficile par les exigences du nouveau commissaire qu’il y renonça et donna sa démission de conservateur en chef, malgré les instances des administrateurs de Seine-et-Oise, qui lui exprimèrent publiquement leurs regrets, en le remerciant « d’avoir rempli ses fonctions avec l’intelligence, le zèle et l’activité qui n’appartiennent qu’aux vrais talens[1]. »


II

L’essai trop court, mais très utile, qu’avaient tenté Dumont et Lagarde ne marqua point seulement la fin des menaces de destruction qui avaient pesé sur Versailles ; il peut être considéré comme l’une des origines du musée national qui, quelque quarante ans plus tard, fut créé par le roi Louis-Philippe. Mais, avant ce moment, Versailles devait connaître bien des vicissitudes, ayant à lutter d’une part contre l’indifférence des pouvoirs publics, qui le trouvaient encombrant et coûteux, de l’autre contre le délabrement, de plus en plus pitoyable, de ses bâtimens, de ses jardins, de ses fontaines, de ses statues, lequel, s’accentuant d’année en année, le transformait très vite en une immense ruine. Trop souvent, d’ailleurs, on semblait, comme à plaisir, aider à l’œuvre du temps. Après avoir écouté non sans quelque

  1. Voyez notamment sur cette époque et sur ces faits, les études, très intéressantes et très documentées, de M. Paul Fromageot, dans la Revue de l’Histoire de Versailles, publiée depuis 1899.