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officiers du régiment de Flandre, auquel les chefs de la garde nationale s’étaient montrés très froissés de n’avoir pas été conviés, la cocarde tricolore avait été, en présence du Roi et de la Reine, foulée aux pieds. Aussi, lorsque les bandes parisiennes débouchèrent sur Versailles, vit-on fraterniser avec elles les troupes de Lecointre qui, un peu plus tard, devait être accusé, devant le Châtelet, d’avoir été un des agens du Duc d’Orléans. Après le départ de Louis XVI et de la famille royale qui considérait Lecointre comme un de ses pires ennemis, — Madame Elisabeth écrivait à Mme de Bombelles que « ce vilain homme méritait d’être pendu, » — son influence ne fit que grandir. A certains jours, on le vit entrer en lutte ouverte avec Berthier, qui dut employer la force pour reprendre chez Lecointre les drapeaux de la garde nationale, que celui-ci s’obstinait à détenir malgré les ordres de son chef. S’appuyant sur le club des Amis de la Constitution, dont il était un des principaux membres, Lecointre prit une part active aux agitations qui, durant toute cette période, troublèrent Versailles et la région avoisinante, où s’accroissait sans cesse la surexcitation des populations rurales. Là comme ailleurs, elles voyaient et dénonçaient partout des conjurés et des traîtres. Ainsi en fut-il au lendemain du départ pour l’émigration de Mesdames, tantes du Roi, à l’occasion duquel Berthier, investi des pleins pouvoirs des municipalités de Versailles et des communes voisines, dut, à la tête des gardes nationales, se transporter à Bellevue pour protéger le beau château construit par Mme de Pompadour, — peu après transformé en caserne, puis démoli. Ainsi en fut-il aussi, après le départ de Louis XVI pour Varennes, lors de l’arrestation, au château de Noisy, de la comtesse d’Ossun, dame d’honneur et amie de la Reine, qui, au sujet d’une lettre que Marie-Antoinette lui avait fait tenir secrètement pour l’informer de ce départ, fut amenée à Versailles, puis interrogée successivement par la municipalité et par le tribunal.

Un peu plus tard, lors du 10 août, l’émotion se manifesta encore plus vive ; le corps municipal, siégeant en permanence, envoya à Paris un délégué pour offrir d’urgence à l’Assemblée législative le concours de la garde nationale versaillaise, et ce fut par des cris répétés de : « Vive la nation ! » que, dans l’ancienne résidence royale, la foule, accourue devant l’Hôtel de ville, salua la nouvelle du renversement de la monarchie. Quelques jours