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marchandises, indigènes aussi bien qu’étrangères ; un grand nombre de banques locales émettent des billets exprimés en sapèques. Dans les ports, les villes, et pour les transactions importantes seulement, on se sert d’argent ; non de pièces d’argent frappées, mais de lingots ou sycee, que l’on pèse, et dont le titre est garanti par des banques ou de grands négocians indigènes, qui y apposent une marque à cet effet. Les lingots qui ont beaucoup circulé portent souvent toute une série de marques parce que la garantie de chaque maison n’a de valeur que dans le rayon où elle est connue ; lorsque le sycee en sort, une autre le certifie à nouveau. Le taël est simplement l’unité de poids dans laquelle est exprimé le lingot ; mais il y a bien des taëls divers en Chine, beaucoup plus qu’il n’y avait de boisseaux ou d’arpens en France sous l’ancien régime ; non seulement chaque place a le sien en dehors du taël impérial des douanes, mais il y en a presque toujours plusieurs sur toute place importante. Dans les ports ouverts seulement on trouve des pièces frappées, piastres mexicaines, ou autres, de même titre et de même poids, qui sortent des monnaies provinciales établies depuis une quinzaine, d’années par quelques vice-rois : les Chinois, qui se méfient de la loyauté de leurs gouvernans, préfèrent les mexicaines. Lorsqu’elles vont dans l’intérieur, ces monnaies ne sont plus considérées que comme de simples lingots et on les voit alors circuler revêtues d’estampilles variées de banques indigènes. Quant à l’or, c’est un article de curiosité et de haut luxe réservé aux bijoux des grands ; on ne s’en sert nulle part comme de monnaie.

Entre l’or et l’argent on sait que le rapport de valeur varie constamment ; entre l’argent et les sapèques de bronze, il en est de même. On devine dès lors les complications qui résultent pour le commerce extérieur du système monétaire chinois. Voici une pièce de tissu de coton importée en Chine. Cette pièce a été achetée en Angleterre ou aux États-Unis par un négociant importateur et payée par lui en or ; c’est en or également qu’il a acquitté le fret à bord du bateau qui l’amène à Shanghaï ; rendue dans ce port, elle lui revient, en or, à 10 francs par exemple. Il la revend à un marchand de gros chinois ; mais celui-ci le paye en argent. Supposons que le cours des cotonnades de ce genre se soit établi à 3 taëls la pièce, c’est ce que recevra notre Européen ; mais combien cela vaudra-t-il en or : 10 fr. 50 si le taël vaut 3 fr. 50, 9 francs s’il vaut 3 francs et on l’a vu passer en