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la lutte contre les courans, les échouages, les accidens fréquens augmentent la durée, le temps et les frais du voyage. Bien des voyageurs européens ont raconté leurs tribulations sur les rapides du moyen Yang-Tzé, entre Itchang et Tchoung-King, où ils avaient peine quelquefois à avancer d’une lieue par jour !

Pour en finir avec les obstacles qui s’opposent aux transports, il convient de ne pas oublier la piraterie, officielle ou non. La piraterie officielle, ce sont les exactions des agens des likins, le pire fléau, peut-être, du commerce dans le Céleste Empire. La piraterie privée et le brigandage existent à l’état chronique sur maintes rivières ou routes de terre et, tant que l’Etat chinois restera ce qu’il est actuellement, mieux vaut peut-être qu’il ne les réprime pas ; les gendarmes, surtout les gendarmes haut gradés, seraient quelquefois pires que les voleurs.

Malgré tous ces inconvéniens des moyens de communication actuels, il faudra que les chemins de fer, pour rendre tous les services et aussi donner tous les bénéfices qu’on attend d’eux, aient des tarifs assez bas. Sans doute, comme le disait dernièrement M. Byron Brenan, consul général d’Angleterre à Shanghaï, « si jamais un jour vient où les produits de la Chine pourront circuler à travers tout l’Empire au prix d’un penny par mille, c’est alors que son commerce avec les autres pays atteindra un développement en rapport avec les ressources naturelles et l’industrie de ses habitans. » Mais, tant que les chemins de fer ne constitueront pas un réseau très serré, c’est-à-dire pendant bien longtemps, les marchandises auront à s’imposer un détour pour les prendre et parcourront encore de longs trajets à dos d’homme ou sur d’incommodes brouettes. Pour que le tarif moyen ressorte à dix centimes par mille ou même par kilomètre, il faudra que celui des chemins de fer soit sensiblement plus bas. Lors de l’occupation de Tien-tsin par les troupes européennes en 1900 et 1901, le gouvernement militaire, qui s’était chargé de l’exploitation des chemins de fer, avait relevé les tarifs. Il n’en fallut pas davantage pour faire baisser le trafic et redonner de l’activité à la circulation des jonques sur le Peï-ho.

Cet exemple doit servir de leçon. Un certain doigté s’impose pour adapter nos innovations occidentales à l’usage des pays d’Extrême-Orient où les transactions habituelles se règlent par des sommes si infimes. C’est un des grands talens des Japonais d’avoir su résoudre ce problème ; leurs tarifs de chemins de fer