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lenteur avec laquelle se développeraient les échanges internationaux de la Chine. Ce qui est vrai, c’est que ce commerce est beaucoup moins profitable et plus aléatoire qu’il ne l’était autrefois. Il passait jadis presque tout entier par les mains de quelques grands négocians anglais et il leur procurait de très gros bénéfices ; maintenant une foule de concurrens ont surgi, et la marge entre le prix d’achat en Europe et le prix de vente en Chine s’est réduite à fort peu de chose. Les fluctuations du change ont aggravé la situation en venant souvent transformer en perte le maigre bénéfice escompté par le négociant importateur de Shanghaï ou de Tien-tsin, qui paie en or ce qu’il achète en Europe, mais est payé en argent lorsqu’il revend en Chine. Si l’argent baisse, il ne peut relever ses prix sans s’exposer à voir diminuer la demande de ses marchandises et à les entasser en stocks. Il n’a pas de compensation en cas de hausse du métal ; la concurrence pousse les importateurs à baisser leurs prix de vente en Chine dès qu’une hausse sensible de l’argent le leur permet. Les affaires deviennent ainsi un jeu, où s’accumulent les chances défavorables.

Le commerce européen en Chine souffre d’autres causes encore, et, en premier lieu, de l’ignorance absolue de la langue chinoise où se trouvent les négocians ou représentans des grandes maisons européennes. Ils sont ainsi, pour toutes leurs transactions, à la merci du comprador. Le comprador, — acheteur en espagnol, — est un employé chinois, souvent dans la Chine du Sud un sujet portugais de Macao, qui a pour premier devoir de renseigner la maison à laquelle il est attaché sur la solvabilité et l’honorabilité des marchands chinois qui veulent entrer en relations avec elle ; une fois ces relations établies, il est garant des cliens qu’il a recommandés. C’est donc absolument un homme de confiance, et souvent il mérite cette confiance. Pourtant il est toujours mauvais d’être obligé de s’en remettre absolument à quelqu’un. Même honnête et offrant la surface nécessaire pour que sa garantie soit effective, le comprador coûte cher ; il vient diminuer les bénéfices du négociant européen par la commission qu’il prélève et, fréquemment, il cède à la tentation d’accroître exagérément celle-ci. Malhonnête, il peut ruiner son employeur, ou peu s’en faut, avant que ce dernier ait le temps de s’en apercevoir. Il conviendrait que les Européens qui s’établissent en Chine prissent le temps d’apprendre la langue