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étaient restées lettre morte par la mauvaise foi ou la mauvaise volonté des autorités locales, encouragées sous main par le gouvernement central ; la seconde, c’est que le traité ne contenait rien qui permît d’établir une industrie quelconque en dehors des ports ouverts, rien qui permît par conséquent l’application de la science moderne à la mise en valeur des immenses ressources, minérales et autres, de la Chine, ni à l’amélioration des moyens de transport dont l’insuffisance devait, même en supposant close l’ère des tracasseries administratives, limiter nécessairement l’expansion des échanges et la pénétration européenne.

C’est ici qu’intervinrent non les effets du traité, mais ceux de la guerre elle-même et de la faiblesse, désormais révélée à tous, du Céleste Empire. « Toutes les fois que les os de la Chine sont secoués, — disait quelque temps après la guerre une feuille spéciale anglaise, — et ils ne l’ont jamais été aussi vigoureusement qu’à présent, un accroissement du commerce s’ensuit. » Il faut bien le dire : s’il en est ainsi, c’est moins encore parce que les mandarins savent lire la leçon des faits et reconnaître la supériorité des méthodes occidentales que parce que les Occidentaux eux-mêmes parlent toujours plus haut, au lendemain d’une guerre. Cette fois, la Chine leur apparaissait non plus comme une sorte de monstre engourdi, qu’il pouvait être dangereux de réveiller, mais comme une proie. Aussi prirent-ils un ton très élevé, trop élevé même. Cette application de la science à l’exploitation des richesses de la Chine, que le traité de Shimonosaki n’avait pas formellement stipulée, ils décidèrent de l’imposer. La guerre était à peine finie que la « chasse aux concessions » commençait.

Ce que fut cette chasse aux concessions, nous n’avons pas à le conter de nouveau, l’ayant dit ici même. Les difficultés financières de la Chine, la nécessité de se créer de nouvelles ressources pour payer l’indemnité de guerre exigée par le Japon, obligèrent le Céleste Empire à subir les exigences des étrangers, qui n’ouvrirent leurs marchés aux emprunts chinois qu’à la condition d’obtenir en échange des concessions lucratives, soit au point de vue économique, soit au point de vue politique. C’est l’année 1898 surtout qui vit le point culminant de la fièvre. Les lignes de chemins de fer dont la concession fut accordée ou formellement promise entre 1895 et 1900 n’ont pas moins de