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I

Jusqu’aux dernières années du XIXe siècle, exactement jusqu’au traité de Shimonosaki qui mit lin, en avril 1895, à la guerre sino-japonaise, l’action économique des Européens sur la Chine s’est bornée au négoce pur et simple. Ils avaient le droit de s’établir en un certain nombre de lieux dits « ports ouverts, » d’importer dans ces ports des marchandises moyennant le paiement d’un droit de douane de 5 p. 100, de vendre ces marchandises aux indigènes, de leur en acheter d’autres et de les exporter, moyennant également, pour certaines d’entre elles, le paiement de droits assez faibles. Si le commerce était limité aux seuls ports ouverts, les étrangers pouvaient cependant voyager dans l’intérieur en se munissant d’un passeport, mais ils n’usaient guère de cette faculté, vu l’insuffisante sécurité et l’état primitif des moyens de communication : il n’existait que de fort mauvaises routes et le seul cours d’eau ouvert à la navigation européenne était le bas et moyen Fleuve-Bleu, dont plusieurs escales, entre Shanghaï et Itchang, figuraient au nombre des ports de traité. Ces droits reconnus aux étrangers, pour restreints qu’ils fussent, dataient d’assez peu de temps puisqu’ils avaient été concédés à la France et à l’Angleterre par les traités de Tientsin en 1858-1860, et étendus aussitôt aux autres nations. Auparavant, le nombre des ports ouverts n’était que de cinq, et des obstacles de toute sorte s’opposaient aux échanges ; plus tôt encore, jusqu’en 1842, ceux-ci étaient confinés dans la seule ville de Canton, où les étrangers ne devaient entrer en relations qu’avec la corporation des marchands « hong, » qui détenait le monopole du commerce extérieur.

Tant qu’ils n’avaient ainsi d’autres droits que ceux de vendre et d’acheter, tant qu’il leur était interdit de produire eux-mêmes sur le territoire chinois, comme de modifier les méthodes de production indigènes, les Occidentaux ne pouvaient exercer sur le Céleste Empire aucune action économique profonde. Le simple commerce extérieur peut être pour un pays un stimulant utile ; il augmente la demande de certaines denrées, pousse la population à faire effort pour en produire davantage puisqu’elle en trouve l’écoulement, augmente ainsi son bien-être et lui permet de se procurer en échange des articles produits au dehors. Mais