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l’armée pour arriver à la conquête du premier rang. Marius d’abord, puis Sylla, le firent avec succès, et ils en donnèrent l’exemple aux autres. Les grands ambitieux, qui, vers l’époque du consulat de Cicéron, se disputaient le pouvoir, étaient bien’ décidés à faire comme eux, et nous voyons que tous cherchent le moyen devoir une armée à leur service. Pompée est pourvu ; il commande aux légions d’Orient, qui lui sont entièrement dévouées. S’il veut les amener en Italie, elles le suivront, et c’est ce qui épouvante ses rivaux. Crassus comprend bien que sa fortune ne suffira pas seule à lui donner la situation qu’il ambitionne. Il se souvient qu’il a fait la guerre avec honneur, et veut s’y remettre. Il dépense de grosses sommes pour susciter une affaire en Égypte, qui pourra lui fournir une occasion d’être mis à la tête d’une armée, et, comme il n’y réussit pas, il se jette dans cette folle expédition contre les Parthes, où il trouvera la mort. Il semble que César ait eu d’abord la pensée de ne conquérir le pouvoir que dans les luttes intérieures, et il s’obstine, pendant plusieurs années, à ne pas s’éloigner du Forum. Mais probablement la situation que Pompée s’est faite lui donne à réfléchir ; il voit bien qu’il n’aura pas raison des légions d’Orient avec des émeutes ou des bulletins de vote. Il songe un moment, comme Crassus, à tirer parti de l’affaire d’Égypte ; puis, arrivé au consulat, il machine la conquête des Gaules.

Catilina devait penser comme eux. Il voyait bien de quel intérêt il était pour lui de disposer d’une armée. Mais, comme il était pressé d’agir, il lui fallait l’avoir tout de suite, et les circonstances n’y étaient pas favorables. Rome se trouvait en paix avec le monde entier, ce qui lui était rarement arrivé, de sorte que, même s’il réussissait dans sa candidature, il n’avait guère de prétexte pour obtenir un commandement militaire important. D’ailleurs, était-ce bien à des légions qu’il devait s’adresser pour le genre de révolution qu’il préparait ? Quoique fort peu scrupuleuses, elles pouvaient y répugner. Il lui fallait des troupes d’un caractère particulier, prêtes à toutes les besognes. Ces troupes, il savait où les trouver ; il y avait partout, dans les provinces italiennes, et spécialement en Etrurie, d’anciens soldats de Sylla, auxquels le dictateur avait libéralement distribué cent mille lots de terre. Mais ces pillards de l’Asie avaient eu grand’peine à devenir d’honnêtes fermiers. Ils s’ennuyaient dans ces domaines qu’on leur avait donnés ; comme ils ne