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sensibles à cette abondance d’idées et de mots, à ces délicatesses d’expression, à cette ampleur de développemens qu’on lui reprochait, et que c’est là véritablement l’éloquence populaire. L’expérience que nous faisons des réunions publiques et des mérites par lesquels on y réussit semble bien prouver qu’il a raison.

Parmi les recommandations que Quintus fait à son frère, il y en a une sur laquelle je crois utile d’insister. « Tu dois avoir soin, lui dit-il, de loger dans ton esprit et de conserver dans ta mémoire l’Italie tout entière, comme elle est, avec ses parties et ses divisions, en sorte qu’il ne s’y trouve pas un municipe, une colonie, une préfecture, un endroit quelconque, où tu ne sois assuré de posséder un appui suffisant. Cherche, découvre partout, dans quelque contrée que ce soit, des personnes que tu puisses connaître, attacher à ta cause, soutenir quand elles faiblissent. Demande-leur de se mettre en campagne pour aller te quêter des voix dans leur voisinage et se faire, en ta faveur, de véritables candidats. » Quintus pense donc que l’Italie va prendre quelque part à l’élection, et une part qui, on le voit bien, n’est pas négligeable. Ceci n’est-il pas une sorte de nouveauté, qui mérite qu’on y fasse quelque attention ?

On sait que les républiques anciennes étaient constituées comme des villes municipales, et combien il leur a été difficile, quand elles se sont étendues par des conquêtes ou des alliances, de briser le moule primitif, et de passer du régime de la cité à celui d’un État compact et uni. Jamais dans la Grèce elles n’y ont complètement réussi. Rome, par son origine et par sa nature, était mieux faite pour résoudre le problème. Après la guerre sociale, elle a communiqué le droit de cité à l’Italie, mais alors une grave difficulté s’est présentée. Le principal privilège des citoyens, c’est le vote. Malheureusement on ne vote qu’à Rome, et il ne venait pas dans l’idée qu’on pût le faire ailleurs. Or les nouveaux citoyens veulent voter : il le faut bien pour que les consuls, les préteurs, les édiles, les questeurs, qui ne sont encore que les magistrats d’une ville, deviennent les représentai de l’État tout entier. Assurément, ils peuvent voter, mais à la condition de faire le voyage. A Rome, ils sont inscrits dans une tribu ; quand ils se présentent aux portes de l’ovile où se fait l’élection, les préposés les laissent entrer, et ils peuvent mettre leur bulletin dans l’urne. Mais le voyage est long ; les aristocrates, qui sont à peu près les maîtres, ne les encouragent