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vier, qui ? M. Camille Pelletan. Le choix est ingénieux ; M. Pelletan s’est montré déplorable au gouvernement, mais dans l’opposition il reprend des avantages. Il a d’ailleurs de vieux démêlés avec M. Rouvier. Ce n’en est pas moins un spectacle piquant de voir l’homme qui a failli faire tomber le ministère Combes sous le poids de ses maladresses, entrer tout de suite en campagne contre le ministère Rouvier. Il est président du groupe radical-socialiste, et ce groupe n’est pas content. La réintégration déjà effectuée de M. le général Tournier, celle, qu’on annonce, de M. Guyot de Villeneuve et de quelques autres inquiètent les fidèles de M. Combes. Ils commencent à se demander où on les conduit. Ils s’interrogent entre eux, et ne sachant que répondre, ils ont pensé que le mieux était d’aller tout droit à M. Rouvier, et de lui poser sur un ton comminatoire un certain nombre de questions. Les récits de l’entretien ne sont pas absolument concordans. M. Rouvier a reçu les délégués du groupe radical-socialiste avec toute la politesse prescrite par M. Sembat aux préfets ; mais, pour ce qui est du fond des questions, il a dit seulement qu’on verrait bien ce qu’il en serait. N’a-t-il pas promis de défendre les réformes annoncées par son prédécesseur ? Qu’on l’attende à l’œuvre. N’a-t-il pas déclaré que, le jour où il n’aurait pas une majorité républicaine, il s’en irait ? Il a confirmé cet engagement. Que lui veut-on de plus ? M. Doumergue, — encore un ministre de M. Combes, — lui a signalé comme bien compromettantes ses faiblesses à l’égard des modérés et même de la droite, et lui a demandé de faire « un geste qui rassurât l’opinion républicaine. » Mais il a répondu que toute sa politique était propre à rassurer l’opinion républicaine, et que c’était là le meilleur des gestes. En un mot, il ne semble pas que M. Rouvier ait tenu aux délégués radicaux-socialistes un autre langage qu’à la Chambre elle-même. Si cela est, nous l’en félicitons. Nous avons, en effet, assez souffert sous M. Combes du gouvernement des groupes et des sous-groupes. C’est déjà beaucoup et trop peut-être que M. Rouvier ait annoncé l’intention de se retirer le jour où il n’aurait plus une majorité exclusivement républicaine, car la représentation adéquate du pays est dans la totalité de la Chambre, et il y a quelque chose d’arbitraire à en exclure une fraction, d’autant plus qu’il est parfois assez difficile de savoir où commence et où finit le parti républicain. Mais enfin, si les circonstances ont obligé M. Rouvier à tenir ce langage, qu’il gouverne du moins pour le pays tout entier avec le parti républicain tout entier, et non pas seulement avec les groupes qui avaient l’habitude d’imposer à M. Combes leur volonté impé-