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la France avait reconstitué son armée et sa marine, augmenté sa production agricole, doublé sa production industrielle, recouvré la richesse, repris son rang parmi les grandes nations. Quand un pays résiste tant de fois à de pareilles catastrophes, quand il triomphe de pareilles crises, c’est qu’il a une vitalité miraculeuse et d’inconnaissables réserves de forces et d’énergie. La raison commande de n’en jamais désespérer. » Telles sont les leçons de l’histoire, pour qui sait les interpréter d’un esprit viril.

Pour notre part, et nous plaçant au point de vue spécial de la critique littéraire, nous avons voulu indiquer la place qu’il est juste de faire à l’un des ouvrages les plus brillans et les plus solides qu’il y ait dans la littérature historique de notre temps. M. Henry Houssaye n’a pas craint de s’enfermer de longues années dans une œuvre patiemment étudiée et qu’il ne nous a livrée qu’après l’avoir amenée au plus haut point de perfection qu’il lui a été donné d’atteindre. Au surplus, tout le labeur de recherches minutieuses qui lui a permis d’établir les dessous de son tableau, il n’a eu garde de nous le laisser soupçonner, et il n’a pas eu, comme tant d’autres, cette coquetterie de mauvais goût d’étaler l’appareil de son érudition. Il a voulu que toute la peine fût pour lui, et tout le fruit pour nous. Afin de retracer une année de la vie de notre Fiance, il a pensé que ce n’était pas trop de tout son amour et tout son art. Comme il a vécu avec les hommes de 1815, il nous a fait vivre avec eux. On détacherait de son récit toute une galerie de portraits ; toute une série de scènes du plus saisissant effet. La langue y est sobre et vigoureuse ; le style précis et nerveux. Cette intensité de vision, ces ressources d’évocation pittoresque, ce sens du drame, ce sont les qualités mêmes que nous avons coutume de demander à quiconque se propose de reproduire l’image de la vie. Le service dont nous savons gré à M. Houssaye, c’est d’avoir une fois de plus prouvé, qu’une condition essentielle et indispensable pour qui veut mériter le titre d’historien, c’est de faire œuvre d’écrivain.


RENE DOUMIC.