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III


Deux autres grèves eurent lieu cette même année, en Espagne et en Suède, avec des caractères bien différens.

La grève de Barcelone, en février 1902, fut l’œuvre des autonomistes et des anarchistes, qui semblent avoir choisi cette malheureuse ville pour quartier général. Chaque fois qu’une grève éclate en Espagne, les anarchistes la transforment en un tumulte sanguinaire. C’est une méthode. À Barcelone, les ouvriers métallurgistes avaient rompu avec les patrons sur une question de salaires. Aussitôt les anarchistes généralisent la grève, avec une absence voulue, systématique, de motifs particuliers et de griefs de détail. Ils espéraient, grâce à la connivence des séparatistes, soulever la Catalogne, puis toute l’Espagne, d’un élan spontané, cela sans préparation aucune.

Ils réussirent à rendre la grève générale dans toute la force du terme. Ils coupèrent les conduites d’eau, de gaz, les fils télégraphiques et téléphoniques, pillèrent les boulangeries, les caves, les magasins à grains, les boutiques de comestibles, empêchèrent les approvisionnemens en pain et en viande ; ils furent pendant un jour maîtres de toute la ville et commirent toute sorte d’excès et de violences.

Les socialistes s’étaient tenus à l’écart de cette grève qu’ils jugeaient criminelle et stupide, car elle n’eut d’autre résultat que de porter atteinte à la liberté de coalition. Pablo Iglesias, le plus marquant parmi les social-démocrates espagnols, écrivit, dit-on, aux Trade-Unionistes pour les dissuader d’envoyer des secours d’argent aux grévistes catalans. Les anarchistes le notèrent d’infamie.

La grève de Stockholm fut une simple mise en scène, pour exprimer la volonté des travailleurs d’obtenir le suffrage universel. Cent vingt mille ouvriers firent des démonstrations pacifiques et ordonnées, dans les principales villes de Suède, pendant deux ou trois jours. La capitale fut privée de journaux et mal éclairée. La Chambre législative se borna à déclarer insuffisant le projet présenté par le gouvernement, et à obtenir la promesse d’un nouveau projet ayant pour base la représentation proportionnelle, l’électorat à vingt-cinq ans, l’égalité des villes et des campagnes. Les socialistes suédois n’ayant pas encore reçu